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DE L’IDENTITE – 1ère partie (Septembre 2017)

Le terme de « carrière » est fréquemment utilisé pour parler de la trajectoire parcourue par une personne pendant sa période de vie professionnelle. La carrière consiste donc objectivement, en une série de statuts et d’emplois clairement définis.Il est intéressant de noter que les changements de trajectoire effectués par les personnes au cours de cette vie professionnelle correspondent souvent à des moments de bifurcations biographiques, des étapes ou des tournants de leur existence, et sont par la même aussi des modifications de “l’être ” qui indiquent que les dits acteurs deviennent différents, jamais tout à fait les mêmes qu’auparavant.

Ceci nous oblige « à dépasser la dimension objective et à y introduire la dimension subjective, vécue, psychique, au cœur même de l’analyse sociologique » [C. Dubar, La socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles, Paris, Armand Colin, 1991, p. 111].
La notion d’identité sociale est ainsi convoquée pour relater des transformations de “l’être” qui s’opèrent par le biais de la socialisation au nouveau métier investi. Ce point de vue, relatif à l’étude du processus de conversion identitaire, permet de comprendre comment l’acquisition des savoirs entraîne non seulement une modification de l’avoir (j’en sais plus aujourd’hui qu’hier) mais de l’être (je suis autrement aujourd’hui qu’hier), c’est-à-dire une modification identitaire.

Toutefois, il semble également pertinent de s’attacher au processus antérieur qui mène les acteurs à “envisager” une nouvelle trajectoire professionnelle jusqu’à l’instant où ils s’y inscrivent de manière officielle. Ce processus en question, que nous nommerons “processus d’engagement ”, est souvent délaissé au bénéfice d’une analyse approfondie du processus de conversion identitaire. Il constitue pourtant une condition initiale sans laquelle les modifications de “l’être” n’auront jamais lieu. Autrement écrit, le processus de conversion identitaire n’est que la conséquence d’un processus préalable ayant conduit les acteurs à s’engager dans un nouveau métier. L’étude du “processus d’engagement” dans une nouvelle profession sous l’angle de la construction identitaire est donc intéressante pour saisir les significations premières que les acteurs donnent à leurs mobilités de trajectoire professionnelle.

Ces lignes se proposent donc dans un premier temps, de rappeler l’approche de la notion d’identité personnelle et de souligner son intérêt afin d’évoquer le sens subjectif donné aux mobilités de trajectoires professionnelles. Puis, dans un second temps de montrer que l’analyse du “processus d’engagement” est particulièrement propice à l’étude de ces significations.

L’identité sociale, constitutive d’une identité personnelle, apparaît comme un outil indispensable à la compréhension des mobilités professionnelles dès lors que l’on conçoit que « pour ego, la vie prend sens à partir du sens qu’il lui donne » [Jean-Claude Kaufmann, L’invention de soi. Une théorie de l’identité. Paris, A. Colin, coll. Individu et société, 2004] et que l’identité est ce qui structure cette unité de sens à un moment donné.

User des principes fondamentaux de l’identité nécessite de rompre avec les conceptions substantialistes. De telles approches traduisent l’identité d’une personne comme une essence, c’est-à-dire une réalité définitivement fixée, destinée à durer (ad vitam aeternam), n’existant que par elle-même et qui n’a besoin de rien d’autre qu’elle-même pour exister. Dans sa dimension sociale, l’identité personnelle est au contraire de cela un processus d’altération permanente, en d’autres termes, une production historique en perpétuelle évolution par laquelle l’acteur devient autre (alter). Elle est un processus de construction, reconstruction et déconstruction d’une définition de soi qui nous amène à la penser comme une tension continue entre “l’être” et le devenir. De plus, l’identité personnelle n’est pas une construction solitaire, elle est également un processus relationnel qui s‘effectue selon des rapports d’interactions avec autrui. C’est une production qui s’établit par/ avec/ contre les autres et doit être envisagé comme des confrontations entre l’individuel et le collectif. L’approche de la notion d’identité personnelle peut donc se faire suivant une articulation entre l’axe biographique et l’axe relationnel d’une définition de soi. Elle renferme une perspective constructiviste et interactionniste qu’il nous faut préciser.

Selon l’axe biographique, l’identité d’une personne est une définition de soi élaborée par l’individu lui-même. Elle constitue la formulation d’une histoire socialement construite, l’interprétation subjective d’un parcours, d’expériences passées et présentes. Mais tout en étant le produit des socialisations successives, elle se conçoit aussi de manière active selon des projets, des projections de soi vers l’avenir qui peuvent être en continuité ou en rupture avec des constructions passées. Sous cet angle, l’identité correspond à une négociation avec soi-même qui aboutit à la manière dont l’acteur s’identifie lui-même selon le moment dans lequel il se trouve au cours de son cycle de vie.

Selon l’axe relationnel, l’identité de l’acteur se construit face à une définition de soi venue de l’extérieur. Elle s’établit selon des rapports réciproques d’identifications, de différenciations ou d’oppositions avec d’autres identités. Cette construction se forge par l’appropriation, la revendication ou le rejet d’attributs sociaux qui sont des actes de prescriptions, d’assignations et de classements produits par le jeu d’interactions avec autrui. La définition que l’acteur se fait de lui-même résulte donc d’une négociation permanente avec autrui. Elle est par conséquent une réaction aux identifications produites par les autres.

La notion d’identité personnelle, en tant que « négociation de soi avec soi-même » et de « soi avec autrui » apparaît particulièrement pertinente pour interpréter le sens subjectif que l’acteur donne à son engagement dans une nouvelle profession. Cette approche semble donc essentielle pour saisir les orientations professionnelles qui sont prises et s’observe à travers le “processus d’engagement” dans un nouveau métier.

Nous développerons cette notion dans notre prochain numéro…

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