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Du management d’entreprise au management associatif : Modélisation ou Déclinaison ? – 1ère partie (Juin 2017)

Le management d’une association est-il comparable à celui d’une entreprise ? Si des points communs existent, des différences demeurent, le management associatif comme apparaissant comme complexe, mais aussi humainement plus riche en regard du management en entreprise. S’il est important de comprendre les différences qui s’inscrivent dans l’identité même des structures, les principes de valeurs et d’autorité sont deux axes qui permettent de comprendre et d’analyser ces écarts ainsi que les moyens de les dépasser. Avec un salarié sur 20 en France travaillant dans une association et un tiers des français disposant d’un statut de « bénévoles », la question du management associatif est donc loin d’être anecdotique !

Pour comprendre les ressorts du management associatif, une clé de lecture intéressante réside dans l’appréhension des spécificités des structures associatives ainsi que du système de valeur régissant leurs fondements et leur organisation. Ne soyons cependant pas réducteurs : les points communs entre associations et entreprises existent au-delà même de ce que le sens commun pourrait le laisser entrevoir. Ainsi et en considération en particulier de leur taille, les structures associatives doivent, de plus en plus souvent, intégrer les modes d’organisation, de gestion et opérationnels similaires aux pratiques d’entreprises : comptabilité, contrats (de travail, de bail, de partenariats, commerciaux), gestion logistique et des stocks (associations humanitaires et à but social en particulier), gestion de fonds, gestion de bien et d’équipements (associations sportives par exemple), bases de données avec les outils informatiques ad hoc (gestion de la relation adhérents), etc. Dans ce contexte, une association apparait comme une entité économique au même titre qu’une entreprise. Ladite vocation économique se traduit par la recherche d’efficience (budget, suivi des indicateurs, …). Le profit peut être lui aussi au rendez-vous dans le but exclusif d’engagement et d’investissement dans l’objet social de l’entité.

LES SPECIFICITES DES ASSOCIATIONS …

Notons immédiatement quelques différences élémentaires entre association et entreprise, particulièrement dans le domaine organisationnel.

  • La mobilisation des acteurs, au premier rang desquels les bénévoles, est généralement plus forte dans le secteur associatif sachant que ceux-ci sont, en général, portés par un projet dont ils ont connaissance (le sens la vocation, la vision, la mission, …) et qu’ils partagent au nom du principe même de liberté d’association.
  • L’objectif majeur de ceux qui portent la structure se veut promotionnel en regard du projet associatif, projet à but non lucratif mais possédant une valeur précise ; le partage de cette valeur est un élément constitutif fort de l’engagement.
  • Enfin, toute démarche stratégique doit intégrer une « supra-valeur » culturelle essentielle et spécifique au monde associatif : le bénévolat.

En optimisant notre approche, trois différences fondamentales éclairent de façon significative les spécificités du management associatif :

  • La différence institutionnelle : les associations disposent, à l’opposé des entreprises, d’un système « social » fondé sur un processus démocratique. Cette démocratie est triplement puissante. Tout d’abord le pouvoir démocratique existe vraiment, les assemblées générales des associations étant plus « ouvertes » que celles des entreprises. Ensuite, ce principe démocratique est une des valeurs des associations : il en constitue une base et n’est donc pas antinomique avec l’esprit associatif. Enfin, dans les entreprises le vote est « censitaire » (1 action = 1 voix) alors que pour les associations le suffrage est universel (1 sociétaire = 1 voix). Ce principe démocratique se retrouve au niveau des processus de décision avec un mode très délibératif au sein des différentes instances telles assemblée générale, conseil d’administration, bureau, … ceci pouvant entrainer parfois quelques lenteurs voire blocages !
  • La différence de positionnement : les associations cherchent des « clients » (les membres) à qui l’on demande une « cotisation » aux fins de profiter des services de la structure mais également de faire bénéficier celle-ci de la valeur ajoutée des « clients » en question ; ainsi, ces membres sont à la fois « actionnaires / électeurs » et « clients ». Par ailleurs, chacune et chacun de celles et ceux qui font partie d’une structure associative remplissent un rôle commercial en tant qu’ambassadeurs de cette dernière ; une des dimensions managériales de ce type d’organisation réside, on l’aura compris, dans la complexité et l’interaction entre ces positions ; nous y reviendrons dans notre prochain numéro.
  • La différence hiérarchique : celle-ci constitue, toujours en termes de management le point nodal du processus. L’originalité du management associatif repose sur l’existence d’une double hiérarchie interne : d’une part les salariés liés par un contrat de travail et une subordination hiérarchique et, d’autre part des bénévoles, liés par un contrat moral et une non subordination formelle. Cette double hiérarchie peut être de différente nature entre, d’une part, les bénévoles (Président, bureau, conseil d’administration, membres actifs, …) et, d’autre part, les salariés (délégué général, secrétaire général, permanents, …)
    Cette dernière différence est fondamentale pour comprendre les spécificités du management associatif : un bénévole est en charge de manager des salariés et d’autres bénévoles, voire délègue à un salarié le soin de manager lui-même des bénévoles. Cette typologie de construction appelle un mode de management à la fois perceptif et éminemment subtil sachant que les modes de motivation, de rétribution, les attentes ne sont pas les mêmes selon les populations. Le mix bénévolat/salarié fait la force de la structure et se pose souvent comme seul moyen d’assurer la cohérence du modèle économique ainsi créé en le situant au cœur de la spécificité managériale associative.

PROJETS ASSOCIATIFS ET SYSTEME DE CREATION DE VALEUR

Pour comprendre comment peuvent s’exercer ces relations hiérarchiques dans un univers démocratique où le client est aussi l’actionnaire, il faut également prendre en compte le projet associatif et les valeurs qui le fondent.

A l’heure où se développent les thématiques autour de l’entreprise citoyenne, les associations sont presque un modèle du genre puisqu’elles recherchent l’efficacité économique (rentabilité, gestion, procédure, capacité à se financer afin d’assurer la pérennité de l’association) tout en respectant l’éthique définie dans leur objet social.
Gardons à l’esprit qu’une association est à la fois un véhicule juridique permettant de mutualiser des compétences et des activités (l’article de la loi de 1901 fait état de la mise en commun permanente de connaissances et d’activités dans un but autre que de partager des bénéfices) et une organisation humaine (administrateurs, bénévoles, permanents, partenaires, etc.) l’ensemble étant relié par une thématique à caractère social.

Ainsi, la valeur créée par une association est de trois ordres à la fois complémentaires et contradictoires et dont l’articulation relève, elle aussi, de la complexité :

  • Valeur économique : une association permet d’atteindre collectivement des buts inatteignables individuellement avec une maximisation de l’efficacité. Il s’agit ici d’appliquer le principe logique de mutualisation par des individus librement associés (compétences, connaissances, force de négociation, élaboration de services pour les membres).
  • Valeur humaine : l’activité associative génère très fréquemment des relations de nature affective liés, la plupart du temps, au sentiment d’appartenance à un groupe donné ; une association est un espace de formation, d’animation, de communication, un groupe dans lequel on s’intègre volontairement et, espérons-le, positivement. Elle contribue ainsi au développement d’interactions à caractère partenarial lesquelles se cristallisent autour de de principes d’engagement communément choisi, de liberté et d’action partagées.
  • Valeur éthique : au travers d’une association, les membres visent le développement de valeurs (morales en particulier), de sens au travers de symboles, de rituels. L’association crée ainsi une culture commune autour d’un sens partagé, de pratiques et d’usages marquant, par leur mise en avant, l’appartenance à l’entité.

Ceci posé, le challenge consiste alors à créer une synergie entre ces trois valeurs : une association se doit de préserver sa valeur éthique, qui généralement la fonde, toute en garantissant sa pérennité économique et en développant la dimension humaine qu’elle sous-tend. L’ensemble de ces contradictions ne présente pas de difficultés majeures pour l’entreprise privée qui n’a, en fin de compte, qu’un seul objectif, le profit, qu’une seule sanction, le marché. Il est sans doute nécessaire de revisiter le management associatif en s’inspirant du secteur “ marchand ” tant décrié : accepter la mesure objective de l’efficacité et sa sanction, prendre de la distance avec l’objet social n’est pas une trahison ; il est tout à fait concevable de réconcilier ledit objet avec le rationnel sans pour autant négliger l’affectif.

Cependant, il serait utopique d’ignorer les écueils qui ne manqueront pas d’apparaitre :

  • Si la valeur économique prime sur les deux autres, le risque de glisser vers une pure logique d’entreprise n’est pas loin avec les conséquences qui en découlent (départs de bénévoles, perte de repères, image de marque, requalification fiscale de certaines recettes) .
  • Si la valeur humaine est trop prégnante, cela risque de peser sur la pérennité financière de la structure voire sur sa dimension éthique (une association n’est pas au service des seuls bénévoles actifs mais de l’ensemble des membres y compris les simples adhérents)
  • Si la valeur éthique étouffe l’ensemble, le risque économique voire organisationnel n’est pas neutre et c’est alors la pérennité de l’organisation qui peut être remise en cause.

La relation entre administrateurs et salariés est au cœur des spécificités associatives avec à la fois la hiérarchie multiple, la nature différente des engagements et les valeurs porteuses du projet associatif. Bénévoles et salariés s’inscrivent dans une logique différente. Les administrateurs tirent leur légitimité d’un mandat électif basé sur le volontariat et la libre contribution sur leur temps personnel. Ils sont responsables devant l’assemblée générale des membres de la réussite de la mission de l’association. Dans cette vision, la valeur éthique est celle qui est la plus forte, devant les valeurs économiques et humaines. Considérons également que les salariés exercent une fonction rémunérée fondée sur le lien de subordination avec obligation de résultats. Ils sont responsables devant les administrateurs du bon usage des ressources pour l’atteinte des objectifs. La valeur économique doit être leur souci majeur, même si la valeur éthique peut être source de motivation.

Nous analyserons, dans notre prochain numéro, la nature et la portée interrelationnelles au sein d’une association autour des notions d’autorité et de légitimité.

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