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FONCTION, POSTE, EMPLOI, METIER, ACTIVITE, TRAVAIL… QUELLES REALITES ? – 1ère partie (Avril 2019)

Des activités aux tâches et des tâches aux postes…

L’émergence et/ou le renforcement des préoccupations liées au monde du travail entraîne des modifications dans l’activité des acteurs du champs économique, l’émergence de nouvelles tâches, de nouveaux « postes », de nouvelles « fonctions » ou de nouveaux « métiers ».
Ceci est le reflet d’un phénomène bien connu dans nos sociétés occidentales du XXIème siècle : la division du travail va croissante, de même que la spécialisation, voire l’hyperspécialisation, ce qui peut favoriser l’émergence de multiples métiers entrainant l’évolution rapide des compétences et des activités. Notons que l’on constate une même évolution de la conception traditionnelle de la fonction publique française, où les recrutements sont basés sur un niveau de concours, une sorte de « compétence générale », alors que la multiplication des tâches dévolues et la complexité des problèmes à traiter appelle le développement de spécialistes dans différents domaines.

Pourtant, si les activités individuelles évoluent, à partir de quand peut-on dire qu’un « métier » voire une « profession » se constitue ? Quelle différence existe-t-il entre des activités, des tâches, des fonctions, des postes, des emplois, des métiers, des professions ? Comment y voir clair dans ces évolutions, pour mieux les analyser et surtout les accompagner ?

Afin de mieux répondre à ces différentes questions, nous commencerons, dans cette lettre d’avril, premier volet que nous consacrons à ce thème, par définir les différents termes liés au travail d’un individu.

• L’apport de la sociologie des professions

Pour aborder ces différentes définitions, un détour par la sociologie des professions et la didactique professionnelle (étude des compétences et savoirs professionnels en vue d’optimiser les processus de formation initiale et continue) nous paraît nécessaire. Cependant, nous nous démarquerons de la présentation « classique » qui part, le plus souvent, des critères permettant de définir une profession avant de montrer leur complexité et de les nuancer.

Notre démarche sera inverse : nous aborderons ces définitions en proposant une évolution de leurs significations allant du niveau individuel (l’activité de travail réalisée, étudiée par les ergonomes) au niveau le plus macro (les métiers, étudiés par les sociologues) ; cette logique nous conduira :

  • À structurer l’évolution des environnements dans lesquels les individus agissent sachant que ces mêmes environnements agissent sur les individus ;
  • À penser l’évolution des compétences individuelles (savoir, savoir-faire, savoir être) sans négliger celle des logiques collectives…

Notre cheminement démarrera donc avec les réalisations des individus en situation réelle, dans leur activité de travail, pour comprendre à partir de quand l’on peut affirmer que cette réalisation s’inscrit dans un poste, dans un métier voire dans une profession spécifique. Nous pourrons ainsi tisser des liens entre les pratiques concrètes des individus et les évolutions des cadres qui leur donnent forme.

• Quelques définitions

– L’activité

Selon les ergonomes, qui étudient « le travail en train de se faire » et ses conditions, l’activité est définie comme l’exécution d’une série d’actions et « les représentations qui l’accompagnent et qui la guident ». Elle correspond à l’ensemble de ce qui est réalisé hic et nunc par les individus : les processus de réalisation du travail dans les conditions réelles, ses résultats, et a fortiori l’activité mentale nécessaire pour les obtenir, qui est le lieu où résident les compétences.

L’activité des individus est soumise à de multiples variations et contraintes dues à l’environnement mouvant et souvent imprévisible qui est le leur ; elle nécessite de nombreuses adaptations aux situations rencontrées. Nous nous situons ici au niveau le plus individuel du concept, même si l’activité peut être réalisée collectivement. L’activité est rendue possible et à la fois limitée par des prescriptions qui lui donnent un référant.

Résumons donc ces lignes en posant comme indentification du principe d’activité, la réalisation individuelle ou collective d’un produit ou d’un service en réponse à une ou plusieurs prescriptions.

– La tâche

Nous basant sur l’observation et l’analyse de l’activité auxquelles se livrent les ergonomes notons que leur restitution s’effectue dans leur contexte le plus immédiat, celui-ci étant inscrit dans les tâches confiées aux individus. Ainsi, la tâche correspond à l’ensemble des buts et procédures prescrites, aux performances exigées, aux normes de qualité, mais aussi à l’environnement physique de sa réalisation.

À une tâche correspondent des objectifs, des moyens et des conditions d’achèvement. Comme le souligne LEPLAT, la tâche prescrite décrit de manière « canonique » la façon d’effectuer le travail et dépend de la représentation que s’en fait son concepteur. Toute activité liée à la notion de travail serait ainsi encadrée par des éléments de prescription, même si ceux-ci sont peu développés ; à titre d’exemple, des objectifs fixés par la hiérarchie, les pouvoirs publics ou un groupe professionnel, des procédures plus ou moins détaillées, des règles et des décrets qui définissent ce qui peut ou doit être fait…

Retenons donc la « définition » suivante : les tâches constituent une réponse à une activité par leur aspect prescriptif plus ou moins détaillé, contraignant et négociable localement.

– Le poste

Certaines tâches peuvent rester « annexes » dans l’ensemble de ce qui est demandé à un acteur : ainsi, un contrôleur de gestion pourra participer ponctuellement à des évaluations de programmes d’innovation sans pour autant développer une spécialité sur ce thème, qui restera une tâche supplémentaire ajoutée à son rôle premier. À l’inverse, certaines tâches s’inscrivent dans un poste qui leur est explicitement consacré. Ainsi, à partir de quel seuil est-il possible d’identifier un poste spécifique ?

La caractérisation des postes se réalise, comme on le sait, au moyen de méthodes d’analyse dédiées. Ces méthodes ont pour finalité de décrire un poste dans sa spécificité pour rendre compte de l’ensemble des tâches qui le constituent comme de son évolution. Le poste occupé se définit par la spécificité d’un rôle défini au sein d’une structure socio- productive selon trois critères :

  • Le champ d’intervention sur le processus de travail auquel le poste contribue de façon principale (« ce qu’il fait », ses « attributions » …) ;
  • Le positionnement en interface (relations avec les autres acteurs) ;
  • La spécificité des démarches : données prises en compte, exigences du travail et finalité globale.

Dans le prolongement de cette segmentation, quelle est la spécificité des rôles assumés par les postes ?
Pour répondre à cette question, MANDON parle de « cœur de métier », à savoir un ensemble relativement permanent d’attributions de base ou de tâches (données par la hiérarchie et par les individus eux-mêmes), enchaînées en une logique de production. Ce qui fait la différence entre deux postes s’ancre donc dans le rôle socio productif (finalité globale, part d’intervention dans le processus de production) de chacun. À ces activités de base peuvent s’en ajouter d’autres (ou excroissances de certaines étapes) dans la diversité des postes réels. La diversité des cas est généralement restituée dans le descriptif à travers la notion de variabilité de poste-type (effets des circonstances locales sur l’emploi et élasticité qui renvoie aux individus et à ce qu’ils font de leur emploi).
Ce qui caractérise les postes réside donc dans l’assignation des tâches qui leur sont désignées et dans leur positionnement tel que définies par l’organisation ; celle-ci a construit un cadre spécifique global selon ses finalités propres. Les tâches trouvent par là une inscription institutionnelle et les individus y sont affectés sur des compétences ou qualifications spécifiques.

Synthétisons cette partie dans les termes suivants : les postes relèvent d’une définition institutionnelle de certaines tâches ayant un rôle productif précis et de leur assignation relativement stable et identifiée à des individus recrutés pour les réaliser.

Une fois ces définitions posées, la question est la suivante : à partir de quand peut-on dire que des postes s’inscrivent dans un « métier », que les individus qui les occupent sont des « professionnels » identifiés et reconnus comme tels ?

Ce questionnement soulève des enjeux de reconnaissance, de compétences spécifiques, de formation, de recrutement, d’appartenance à une communauté… Ces aspects, en lien avec l’évolution du monde du travail d’aujourd’hui, seront traités dans le prochain numéro de notre newsletter.

A bientôt !

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