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LA CREATIVITE DES EQUIPES ET DES GROUPES – 2ème partie (Mai 2015)

Dans la poursuite de notre précédente lettre, passons en revue quelques techniques de créativité de groupe (ou plutôt … en groupe !) en ciblant, en tout premier lieu, les obstacles majeurs à la mise en œuvre d’une dynamique créative.

Quels sont ces obstacles ? Nous pouvons en identifier quatre que nous qualifierons de fréquents :

1. Les traditions et habitudes individuelles ou collectives : il est donc essentiel de briser les résistances au changement ;
2. L’autorité, le poids des statuts et des rôles : il convient de faire disparaître la soumission à l’autorité du chef ou de l’expert ;
3. Les normes sociales et cognitives : il est nécessaire de vaincre le conformisme et l’uniformité ;
4. La raison : il est plus que souhaitable de suspendre le comportement rationnel pendant les phases de création

Distinguons à présent les quatre « grandes » méthodes de créativité :

1. Le brainstorming (la plus connue …) : le principe repose sur la dissociation totale entre la phase de recherche / production et celle d’évaluation, d’où les trois temps suivants :

  • Préparation : groupe hétérogène d’une dizaine de personnes, délimitation du problème, décomposition en sous-questions étudiées successivement ;
  • La séance : entre une demi-heure et une heure, 2 animateurs. Tout jugement critique (positif ou négatif) est interdit, toutes les idées même les plus farfelues doivent être mentionnées. On recherche la quantité et non la qualité, le pillage et la recombinaison sont encouragés ;
  • Tri et évaluation : environ 10% des idées sont utilisables.

A titre d’exemples destinés à s’immerger dans le processus : « Que se passerait-il s’il vous poussait un deuxième pouce à la main droite ? Que se passerait-il si tous les citoyens étaient obligés de jouer au poker une fois par semaine ? »

2. La synectique : ce processus réside dans l’utilisation consciente et organisée de la métaphore en valorisant le jeu comme faculté d’invention ; Trois types d’analogie sont systématiquement développées :

  • Analogie personnelle : elle consiste à demander aux participants de s’identifier avec un élément du problème étudié et à imaginer les réactions qu’ils développeraient alors. Il faudra, suivant les problèmes s’identifier à une molécule, un chapeau, un piston…
  • Analogie directe : elle consiste à utiliser dans un domaine les connaissances d’une autre discipline, par exemple la biologie animale pour les torpilles sous-marines. La difficulté réside dans la pertinence du domaine transposé.
  • Analogie symbolique : substituer à un objet problématique un symbole (la boule de cristal pour le test psy) et développer l’illusion.

3. L’analyse morphologique : cette méthode consiste en une utilisation systématique des combinaisons par découpage du problème en éléments décrits dans les termes les plus généraux possibles ; cette phase se formalise par la construction d’un tableau à double entrée recoupant toutes les variations possibles des différents termes ; on réalise ensuite un tri a posteriori en fonction de critères de réalisation extérieurs à la combinatoire obtenue.

4. Les méthodes « cliniques » :

  • jeu de rôle : analogie personnelle + interaction
  • rêve éveillé : relaxation + suggestion

Ces méthodes qui, comme leur nom l’indique, relèvent d’une démarche clinique, sont à utiliser à des fins précises (résolution de problèmes complexes les plus souvent relationnels, décisions générant un risque potentiel –social par exemple–, mise en œuvre d’un changement structurel et/ou conjoncturel, etc.) uniquement par des personnes rompues (et formées !!!) à ces démarches afin d’éviter toute dérive, tout risque de manipulation voire tout problème déontologique.

Créativité et décisions en groupe

Si les phases de créativité bien conduites sont incontestablement génératrices de motivation, d’implication, force est de constater que les décisions prises en groupe sont insatisfaisantes, voire catastrophiques de par cet enthousiasme finalement passager qui accompagne l’impulsion créée par la mise en mouvement de l’imaginaire individuel et collectif. Irving Janis situe le problème au niveau des mécanismes de décision eux-mêmes : tout membre d’un groupe tend à vouloir sauvegarder l’unité du groupe auquel il appartient. Chacun s’efforce de sauvegarder l’unité et l’unanimité en évitant le conflit. D’où des attitudes qui restreignent la lucidité du groupe :

Croyance indiscutée à la moralité du groupe, qui pousse les membres à ne pas tenir compte des conséquences éthiques de leurs actions ;

  • Pression directe sur tout membre allant à l’encontre des stéréotypes du groupe (considéré comme traitre mettant en péril la survie de celui-ci) ;
  • Autocensure des éventuels déviants ;
  • Exigence du consensus ;
  • En cas de soumission du groupe à une hiérarchie externe, celui-ci tend à choisir la solution qu’on attend de lui afin d’éviter l’affrontement.

C’est pourquoi la décision de tous est souvent moins bonne que la décision de chacun par l’émergence de deux effets que sont la normalisation et la polarisation.

On parle de normalisation lorsque le groupe prend une décision de compromis valorisant les positions moyennes et excluant les extrêmes : à l’inverse la polarisation s’opère quand le groupe valorise une position excentrique.

En résumé, le degré d’implication et de conflit dans le groupe détermine le sens de la décision qu’il prendra. Celle-ci tend vers la moyenne ou le compromis, donc vers la normalisation, lorsque le degré d’implication et de conflit est bas, et vers un extrême, donc vers la polarisation, lorsque ce degré est plus élevé. La polarisation par l’implication et le conflit suppose un fonctionnement de groupe dans lequel la discussion est libre, inversement la diminution de l’interaction sociale engendre une diminution du conflit donc de la polarisation. L’organisation de l’espace dans lequel la décision va être prise ou le style de leadership peuvent avoir ce rôle. A contrario l’expression de points de vue minoritaires, même faux, améliore la prise de décision, ainsi que l’exigence d’unanimité par opposition à la majorité simple. Le nombre joue aussi un rôle puisque la probabilité de voir émerger des opinions minoritaires croît avec la taille du groupe. Statistiquement, le groupe nombreux, égalitaire, de libre discussion visant un consensus est plus innovant que l’individu.

Ainsi, et pour mener à bien le processus alliant créativité et décision, il est possible d’imaginer une forme de « bonnes pratiques » que nous résumerons en quatre points :

  • 1. Rechercher les différences d’opinions, celles-ci pouvant être provoquées en amenant chacun à prendre part au travail de discussion et de décision sachant que les désaccords mettant en jeu une gamme plus étendue d’opinions augmentent la probabilité de rencontrer des solutions innovantes.
  • 2. Proscrire les techniques réduisant le conflit, telles que moyennes, votes majoritaires, règles de procédure,
  • 3. Eviter toute concession qui n’aurait pour but que de réduire le conflit : tout accord rapide est suspect.
  • 4. Proscrire les présupposés évidents, les stéréotypes.

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