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La créativité des groupes et des équipes (Avril 2015)

A l’heure où il est de plus en plus fréquemment demandé aux collaborateurs de développer « un esprit novateur » sous l’impulsion de leur management, la notion de créativité prend une place significative dans la gestion des individus et des équipes. C’est pour cette raison que nous proposons de nous pencher sur ce concept en tentant de comprendre les mécanismes qui régissent sa survenance, ses freins mais surtout ses possibilités d’évolution positive.

1 – Groupes et créativité

Posons immédiatement le principe qu’un groupe favorise le changement et la prise de risque.
Dans une expérience célèbre, K. Lewin compare les effets respectifs d’une conférence et d’une discussion de groupe sur le changement des habitudes alimentaires de ménagères américaines, changement consistant à consommer des abats plutôt que de la viande. Dans une première situation les groupes de femmes écoutent une conférence intéressante faite par un expert et soulignant les avantages diététiques et économiques des abats, présentant les recettes appropriées, etc. Dans la seconde situation, après un bref exposé introductif, on amène les ménagères à discuter entre elles du problème. Dans les 2 cas, l’expérience dure 45 minutes. Une vérification réalisée au domicile des ménagères une semaine après l’expérience montre que seules 3% des ménagères soumises à la conférence utilisent des abats contre 32% pour celles confrontées au groupe. Toutes les expériences réalisées dans ce domaine vont dans le même sens. Même si l’on remplace l’exposé par un conseil individuel de même durée, l’effet de groupe reste largement dominant pour le changement. Le fait d’être en groupe, l’interaction sociale et cognitive peut donc produire une baisse de la résistance au changement et favoriser l’émergence de conduites nouvelles. De la même façon un groupe adopte collectivement des solutions plus risquées à un problème donné que ne le font chacun des individus pris séparément.

2 – Hétérogénéité et créativité

L’hétérogénéité d’un groupe n’est pas en soi un facteur de créativité car la richesse des différences peut être contrebalancée par des blocages de communication (inhibition, agressivité). Il a été montré (HALL ET WATSON) que l’hétérogénéité du groupe favorise sa créativité pour autant que les conflits sociocognitifs soient explicitement pris en compte et régulés dans la situation.

Ces auteurs placent leur groupe dans une situation de résolution de problème (classer 15 objets indispensables, individuellement puis collectivement, à une opération de sauvetage sur la Lune) et précisent dans un groupe la nécessité d’éclaircir et de discuter des divergences, dans l’autre ne donnent aucune consigne à ce sujet. Les résultats montrent clairement que la prise en compte explicite du conflit entraine une meilleure performance dans la prise de décision et la découverte d’idées nouvelles dans l’utilisation des objets.

Lorsque le stress lié à l’hétérogénéité du groupe est réduit par l’apprentissage de la communication les effets positifs de cette hétérogénéité peuvent se libérer. Ce n’est d’ailleurs pas tant l’hétérogénéité réelle que l’hétérogénéité perçue qui est déterminante.

COLLAROS et ANDERSEN (1969) créent 3 conditions expérimentales. Dans la première, le sujet est amené à penser que les trois autres membres du groupe sont des experts en brainstorming, dans la seconde que l’un des membres (non identifié) est un expert, dans la troisième aucun expert n’est supposé exister. Les 3 groupes sont en fait constitués d’individus sans compétence particulière : c’est bien la représentation de l’hétérogénéité du groupe qui est manipulée. Les groupes se percevant comme homogènes développent une créativité bien meilleure. La crainte du jugement d’un ou de plusieurs experts produit une inhibition dans la production des idées originales.

Ajoutons que l’existence d’une minorité active et consistante est un facteur important de créativité :

  • majorité affirmée + minorités éparpillées = effets de conformisme
  • majorité affirmée + minorité consistante = décentrements des positions = créativité

La représentation que le groupe se fait de lui-même est une dimension essentielle de sa dynamique.

3 – Tâches et créativité

L’efficacité d’un groupe ne peut se mesurer dans l’absolu mais doit être rapportée à ses objectifs comme à sa structure propres. Il apparaît que les phénomènes de groupe sont directement déterminés par 4 systèmes d’adéquation :

3.1 – Adéquation modèle de la tâche / réseau de communication :

on appelle réseau de communication l’ensemble des possibilités effectives de communication entre les membres d’un groupe, ensemble qui peut être représenté sous la forme d’un graphique. On a cru dans un premier temps que certains réseaux de communication étaient intrinsèquement meilleurs que d’autres, mais les analyses donnaient des résultats contradictoires. Il fut alors ajouté à la notion de réseau celle de modèle de tâche définie comme l’ensemble des opérations logiques nécessaires à l’obtention d’une performance à l’intérieur d’un groupe : il s’agit donc de l’ensemble des communications nécessaires compte tenu de la nature de la tâche. La performance d’un groupe est optimum lorsqu’il y a isomorphisme entre le réseau de communication et le modèle de la tâche.

3.2 – Adéquation nature de la tâche / structure du groupe :

Dans des groupes en réseau complet (réseau de communication intégrale entre tous les membres), on montre que le mode de communication à l’intérieur du groupe varie avec le type de tâche confié (échange d’infos entre travaux autonomes, concertation collective) et que les réseaux de communication se stabilisent voire se sclérosent à partir du type de problèmes à résoudre.

3.3 – Adéquation nature de la tâche / structure sociale :

on montre, dans le cas de groupes hiérarchisés (différences de statut) qu’une tâche est d’autant mieux réalisée que la subordination fonctionnelle dans la réalisation correspond à la hiérarchie statutaire du groupe.

3.4 – Adéquation représentation de la tâche / nature de la tâche :

on montre que c’est la représentation de la tâche (concertation ou autonomie) qui détermine la performance du groupe. Deux représentations différentes d’une même tâche engendrent deux performances différentes et la performance du groupe est optimum quand la représentation correspond à la réalité de la tâche : il n’existe que des réalités représentées.

Notre prochaine lettre permettra d’identifier, sous l’angle des concepts qui viennent d’être décrits, quelques techniques de créativité de groupe.

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