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La dimension émotionnelle du leadership – 1ère Partie (Janvier 2012)

 

Si le « pouvoir » du manager consiste, entre autres, à tenter d’exercer une influence (positive) sur son entourage, il ne peut pas obliger le dit entourage à se soumettre à son leadership ; l’influence en question est donc librement acquise.

Pour exercer ce leadership, le manager analyse la systémique de l’entreprise et les variables de son environnement afin d’adopter les comportements requis dans un contexte donné. Mais il serait trop simple d’assimiler une posture de leader à tel ou tel style de gestion humaine et comportementale : un leader doit aussi communiquer et interagir avec son entourage aux fins de transmettre sa vision. En définitive, c’est grâce à l’acuité et à l’exactitude de ses perceptions sociales que le leader communique, diffuse et partage ses orientations dans et avec toute l’organisation.

De façon extrêmement synthétique, la théorie relative à l’intelligence émotionnelle se réfère à la « dualité corticale » indiquant ainsi que l’être humain possède deux cerveaux : un cerveau primaire ou cerveau limbique et un cerveau secondaire ou cortex cérébral. La primauté du cerveau limbique découle du fait qu’il s’agit là d’un vestige des millénaires d’évolution permettant de passer lentement du lézard au singe puis à l’homme. Dans ce schéma, force est de constater que les mécanismes limbiques empruntent plus au système immunitaire et à l’intuition qu’à la raison. Fonctionnant indépendamment du néocortex et possédant une structure qui lui est propre, ce circuit  est responsable des émotions et des mécanismes instinctifs de survie de l’espèce. C’est lui qui agit lorsque, par exemple, nous plaçons notre bras sans réfléchir afin d’éviter le danger d’un ballon qui se dirige sur notre tête ou lorsque nous ressentons une vive émotion en pensant à un souvenir quelconque. Le cerveau cortical s’est développé lentement, avec l’évolution de l’espèce. Il est responsable des opérations plus complexes comme le langage et la pensée.

Dans ces conditions, il faut comprendre que les émotions et la raison fonctionnent différemment : « on ne peut pas commander à une émotion d’augmenter ou de disparaître de la même façon qu’on peut commander à son esprit de commander ou de se taire » (J. SCHREIBER, 2005, p.22), d’où le rôle fondamental  qui doit être accordé à notre intelligence émotionnelle, c’est-à-dire à l’équilibre entre notre raison et nos émotions. Un état de résonnance émotionnelle qualifie l’atteinte de cet équilibre et un état de dissonance émotionnel induit sa rupture.

La gestion des émotions n’est pas innée; c’est un processus acquis qui peut être développé  par les enseignements tirés d’une réflexion introspective sur son histoire, ses expériences, …bref, son vécu dans l’acception la plus large du terme.

De ce vécu et des retours qu’il permet, l’on peut constater que certains individus sont en état de dissonance émotionnelle en cela que  leur raison ne laisse aucune place à leurs émotions alors que d’autres sont trop émotifs et n’arrivent pas à prendre le recul rationnel nécessaire pour prendre une bonne décision. Dans un cas comme dans l’autre, une mauvaise gestion des émotions entraîne des conséquences psychologiques (voire physiologiques) plus que dommageables telles le stress, la souffrance professionnelle, la dépression, le burnout et toutes somatisations associées ; dans cet esprit, il  est intéressant de rappeler que plus de 900 000 arrêts de travail ont été constatés en 2010 avec, comme justification, des problèmes liés à « la détresse psychologique au travail »  (Source CNAM – RPS 2010/rapport annuel).

Introduit par P.SALOVEY et J.D. MAYER en 1990, le principe de l’intelligence émotionnelle a été popularisé par D. GOLEMAN en 1995 qui l’a ensuite introduit dans les sphères du management en 2004. L’argument fondamental de ce concept pose l’idée qu’un leader doit être en mesure de maîtriser et de comprendre ses propres émotions s’il veut comprendre les émotions de son environnement social et maximiser ainsi les relations  professionnelles. Dans le même esprit, le leader est un guide émotionnel dont le « pouvoir contagieux » revient à propager la résonnance au sein de l’organisation. Sa force est de comprendre que les décisions au travail relèvent plus souvent des émotions que de la raison, ce qui lui permet d’adapter son style de gestion humaine en conséquence.

L’intelligence émotionnelle se situe donc au point de convergence entre la connaissance de soi et des aptitudes à la vie sociale. Il s’agit, en définitive, de « l’habileté à percevoir ses propres sentiments et émotions ainsi que ceux des autres, à les analyser et à les utiliser dans son raisonnement et ses actions» (C. TROTTIER, 2006). En ce sens, elle est un des facteurs de succès de la communication et des interactions du leader avec son entourage. Si, sous forme de contre-exemple, un manager entre dans une colère « noire » quand il confronte un collaborateur aux prises avec de très mauvaises performances, son choc émotionnel risque non seulement de lui faire prendre les mauvaises décisions, mais plus fondamentalement de briser le lien de confiance avec son subordonné et de détériorer ainsi durablement leurs relations de travail.

Le fait de connaître et développer, de façon pertinente, cette perception émotionnelle permet à un manager d’être en harmonie avec les attitudes, les valeurs et les croyances des membres de son organisation, ce qui favorise sa posture de leader et sa sphère d’influence (toujours sous l’angle positif gagnant/gagnant et sans visée manipulatoire !). Selon S. GEORGE (2000), un manager ayant une intelligence émotionnelle plus développée est souvent perçu comme étant plus efficace par ses équipes. En fait, c’est la dimension humaine du leader émotionnel qui lui confère la légitimité de son efficacité.

Etant entendu que le leader émotionnel se doit, par cette distinction claire entre l’émotion et la raison, de rationaliser les résultats de l’organisation,  il est essentiel pour lui d’être également à l’écoute des émotions du capital humain qu’il a la responsabilité d’animer, de faire vivre, de développer. A titre d’exemple très opérationnel, un employé en souffrance par la survenance d’une difficulté personnelle (maladie, divorce, décès, …), n’accueillera pas de manière positive de nouvelles responsabilités car il n’est pas (autrement formulé, il ne se « sent pas ») en état de les accomplir.

Le leader émotionnel est donc en capacité

  • De comprendre les besoins des individus qui l’entourent,
  • D’élaborer une vision porteuse soutenue par des objectifs réalistes qui favorisent un sentiment d’appartenance collectif,
  • D’utiliser sa perspicacité dans l’analyse de l’environnement social et émotionnel de son organisation lui permettant une plus grande flexibilité décisionnelle,
  • De maintenir et de développer un enthousiasme positivement contagieux au travail,
  • D’user de sa sphère d’influence de sorte que les individus puisent la motivation et la conviction nécessaire pour adopter les comportements souhaités.

Nous sommes amenés à constater de plus en plus fréquemment un déploiement du phénomène de l’intelligence émotionnelle dans un contexte où la suprématie de l’entreprise hyper rationnelle, hyper fonctionnelle voire … bureaucratique est en déclin. Rappelons, comme nous avons été souvent amené à le faire dans ces lignes mensuelles, que la performance d’une organisation ne peut plus reposer uniquement sur l’amélioration de ses modes de production et de ses processus de contrôle, mais doit inévitablement passer par la synergie du travail des ressources humaines, l’amélioration et l’élargissement de leur éventail de compétences et la maximisation de leur motivation, de leur implication et de leur engagement.

À l’importance d’une structure fonctionnelle bien souvent impersonnelle s’est substituée la place essentielle de l’individu. Le manager du XXIème siècle doit exceller dans sa capacité à comprendre, maintenir et entretenir la bonne résonnance émotionnelle tant pour les individus que pour les entités dont nous savons qu’elles ne vibrent qu’au rythme de la perception et de l’expression de chacun ; c’est dans une logique de leadership transformationnel et coopératif, qui prône des valeurs telles la reconnaissance et les interactions individuelles et collectives, que l’efficacité de l’intelligence émotionnelle prend tout son sens.

Nous en analyserons les facettes opérationnelles dans notre prochaine lettre.

Références :
SALOVEY P et MAYER, J.D (1990).  Emotional intelligence, Imagination, Cognition, and Personality
GOLEMAN, Daniel. (1997). L’Intelligence émotionnelle: Comment transformer ses émotions en intelligence. Paris: R. Laffont
GOLEMAN, Daniel. (2005) L’intelligence émotionnelle au travail, Paris, Village mondial
MAYER (Eds.) Emotional Intelligence in Everyday Life: A Scientific Inquiry. Philadelphie: Psychology Press
TROTTIER C. (2009), Leadership et compétences émotionnelles dans l’accompagnement au changement, Québec, Presses de l’Université du Québec
GEORGE S. (2000),Revue Management et Avenir ; janvier 2010, Issue 31, p 407-430, p.24, 9 Charts

 

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