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La Fonction Ressources Humaines : Efficience, Efficacité et Impact (3ème partie) (Juillet et Août 2014)

Comme nous l’avons vu dans nos précédents numéros traitant de ce sujet, les outils du type tableaux de bord sociaux, qu’ils soient spécifiques, ou normés comme le bilan social, ne contiennent au mieux que des indicateurs d’efficience ou d’efficacité de pratiques RH sans dire quoi que ce soit à propos de l’impact de ces pratiques sur la performance de l’organisation. Il leur est ainsi couramment reproché de manquer de mise en perspective et de pertinence au regard de ceux produits par d’autres fonctions de l’entreprise comme les bilans financiers. Nous avons vu d’autre part toute l’importance – mais la difficulté – de mettre à jour un modèle de CAUSALITE à même d’expliciter ce qui relie les pratiques RH aux résultats de l’organisation.

Un nouveau type de tableaux de bord et de méthodologie de construction, apparu il y a une quinzaine d’année avec les travaux de Kaplan et Norton, permettent une tentative de mesure de l’impact de la fonction RH sur la performance de l’organisation en « donnant de l’intelligence aux tableaux de bord » pour reprendre l’expression de GILBERT, CHARPENTIER et LAYOLE (2007).

Les différents travaux concernant cette approche émergent au début des années 90 en s’appuyant sur la théorie des parties prenantes pour proposer d’évaluer et piloter la performance des organisations avec des « BALANCED SCORECARD » (BSC); ils permettent une déclinaison au niveau de l’évaluation et du pilotage de la performance de la fonction RH sous forme de « HR SCORECARD ». Enfin, une approche originale proposée par Gilbert et Charpentier (2004) utilise le modèle d’Ulrich des quatre missions de la fonction RH (voir notre lettre de mai 2014) comme un cadre d’analyse des méthodes d’évaluation appropriées de la performance de la fonction RH en fonction de son positionnement dans l’entreprise. Nous présentons maintenant ces trois approches et explicitons en quoi elles nous apparaissent comme des tentatives de mesure du lien entre la performance de la fonction RH et le succès de l’organisation.

1 – Le « BALANCED SCORECARD », tableau de bord équilibré et prospectif de l’organisation

Le pilotage stratégique d’une organisation ne peut se réduire au seul pilotage financier. En effet, la performance financière ne traduit pas l’ensemble des éléments qui caractérisent la réussite d’une entreprise à court terme mais aussi et surtout dans la durée. Nous transposons ainsi le modèle des parties prenantes dans un outil de pilotage et d’évaluation reposant sur un principe d’équilibre dans le pilotage des performances :

  • Equilibre dans la prise en compte des attentes de trois parties prenantes de l’organisation : ses actionnaires, ses clients et ses salariés
  • Equilibre dans les fonctions considérées (toutes celles de l’entreprise, y compris la fonction RH)
  • Equilibre dans le type d’indicateurs pris en compte : financiers et non financiers, évaluant le passé (indicateurs de résultat) ou prédictifs de la situation future (indicateurs prospectifs, de résultats), de court terme et de long terme, qualitatifs et quantitatifs, tangibles et intangibles.

Ce principe d’équilibre est représenté par un modèle distinguant quatre axes à interroger simultanément à partir de la vision et de la stratégie de l’organisation : l’axe financier, l’axe clients, l’axe processus internes et l’axe apprentissage et innovation.

La dimension RH y transparaît notamment au travers des axes « processus internes » et « apprentissage et innovation ». Nous savons que les Ressources Humaines, par leurs attitudes (motivation, implication, satisfaction au travail…), leurs savoirs et savoir-faire, sont aujourd’hui considérées comme un vecteur essentiel favorisant l’apprentissage et l’innovation dans l’entreprise. C’est donc tout naturellement que les indicateurs sociaux occupent une place de choix parmi les indicateurs de l’axe apprentissage-innovation aux côté d’indicateurs sur les systèmes d’information, les modes organisationnels, etc. Cet axe, et les variables RH qui le composent constituent ainsi l’un des leviers de la performance globale. Ils permettent l’aptitude au changement, l’innovation, la créativité, (axe apprentissage) mais également d’exceller dans les activités (axe processus internes) et créer ainsi de la valeur pour les clients (axe client) et, in fine, pour les actionnaires (axe financier).

Pour constituer le « BALANCED SCORECARD » et choisir les indicateurs pertinents, la méthodologie consiste donc à établir une carte de relations de causes à effets dans l’organisation permettant de relier entre eux les quatre niveaux de performance complémentaires correspondant aux quatre axes.

La représentation de cette carte, parfois nommée « carte stratégique », se fait selon le schéma de principe suivant :

Cette carte stratégique peut constituer les prémices d’un excellent modèle de causalité explicitant le lien entre la performance de la fonction RH et la performance de l’organisation. Il s’agit en effet de traduire par ce schéma de causalité la représentation que les responsables de l’entreprise se font de la stratégie et du meilleur chemin à emprunter pour l’atteindre.

Le « BALANCED SCORECARD » forme donc aussi un véritable outil de communication entre le DRH et le dirigeant : par cet outil, il est alors possible de déterminer et mettre en visibilité quels sont les leviers de la performance de l’organisation que peut actionner la fonction RH, et de définir des indicateurs correspondants. C’est donc une opportunité, mais aussi un défi pour cette fonction.

2 – Le  « HR SCORECARD » décliné au niveau de la fonction RH

Il est connu que dans une organisation, la fonction RH peut être considérée comme prestataire de service en interne. En charge du recrutement, de la formation, de la gestion des rémunérations, etc., elle a donc « ses » clients internes : la direction générale, les autres fonctions et centres de responsabilité qui font appel à ses services, le personnel lui-même, ses représentants, etc. De même, parce qu’elle dispose d’un budget et qu’elle gère la masse salariale, elle est soumise à des contraintes financières. Pour accomplir sa mission, elle mobilise plusieurs processus (recrutement, formation, paye, etc.), créateurs de valeur, consommateurs de ressources. Enfin, parce qu’elle joue un rôle moteur dans la gestion des compétences et la motivation du personnel, elle favorise l’apprentissage et l’innovation.

C’est l’ensemble de ces considérations qui amènent une déclinaison du « BALANCED SCORECARD » au niveau de la fonction RH sous la forme d’un « HR SCORECARD ». La vision centrale correspond alors à celle de la fonction RH, et les interrogations deviennent celles mentionnées dans la figure suivante :

S’il est important de souligner la réelle opportunité que représente le « balanced scorecard » pour la fonction RH, force est de constater néanmoins que, dans les entreprises ayant expérimenté cette méthodologie de tableau de bord, c’est la mesure de ce qui est relatif aux salariés en tant que partie prenante qui est la plus difficile, et parfois la moins rigoureuse voire la moins acceptée. Pour ces entreprises, les tentatives de mesure observées sont de trois natures :

  • Des mesures concernant la productivité des salariés, sous forme de ratios, ou de coût par employé, revenu par employé, etc.. Ces mesures ne se traduisent pas facilement en actions de gestion, car elles sont des indicateurs de résultat sans évoquer de leviers,
  • Des mesures à propos des attitudes et comportements des salariés (ce qu’ils ressentent, font et savent) ; Il est alors question de satisfaction, engagement, turnover ou rétention, absentéisme et réclamations, compétences. Il s’agit alors de faire preuve d’inventivité en termes d’indicateurs, ceux-ci pouvant prendre la forme de réponses à une enquête de satisfaction, ou bien d’indicateurs construits sur mesure,
  • Des mesures relatives aux processus influents sur l’organisation et les RH. Il peut s’agir alors de leadership, d’innovation, d’apprentissage, de culture, etc. Les indicateurs peuvent prendre la forme de réponses à des questionnaires ou de synthèse de 360° par exemple.

3 – Le tableau de bord contextualisé (TBC) : une réponse contingente à la triple finalité énoncée

Ce concept de tableau de bord s’appuie sur le paradigme des quatre missions de la fonction RH : expert administratif, champion des salariés, agent du changement et partenaire stratégique (Cf. lettre de mai 2014).

Partons des hypothèses suivantes :

  • Pour définir des méthodes d’évaluations appropriées de la performance de la fonction RH, il est nécessaire en préalable de pouvoir positionner les attentes de la direction de l’entreprise vis-à-vis de la fonction par rapport à ces 4 types de mission,
  • Des méthodes d’évaluation plus adaptées que d’autres existent pour mesurer et piloter l’atteinte de certains objectifs de la fonction RH en fonction de cette typologie.

Comme dans le cas du « BALANCED SCORECARD », cette méthodologie nécessite en préalable la clarification du lien entre performance de l’organisation et contribution attendue de la fonction RH. Elle offre ainsi une base de discussion rationnelle avec une direction générale et les grandes directions opérationnelles d’une entreprise, sur le positionnement et les contributions attendues de la fonction RH.

La première étape à la question « comment évaluer ? » consiste ainsi à définir les missions réellement confiées à la fonction RH d’une organisation, puis de les hiérarchiser et seulement après de choisir les modalités d’évaluation.

En effet, l’expérience met en évidence les tendances suivantes :

  • Dans l’optique de la fonction RH « expert administratif », il s’agira de s’intéresser à la qualité et aux intrants des processus RH : les effectifs consacrés à la fonction (ratio effectif de la fonction / effectif géré) et les coûts (charges de personnel, dépense de fonctionnement…). Cette optique comporte alors un risque souvent évoqué mais rarement aussi bien expliqué : « l’ennui de cette optique est que si l’on parvient assez aisément à chiffrer des coûts, qui sont eux observables, l’on sait souvent mal définir ce que recouvre « un service de qualité ». Les « standards du marché » et autres « meilleures pratiques » sont plus faciles à invoquer qu’à identifier et à appliquer. Aussi lorsque ce rôle prédomine, le danger réside dans la seule recherche de rendement au sens le plus traditionnel. Comme pour tout centre de coût, on s’efforcera alors de réduire cette coûteuse activité de gestion !
  • Dans l’optique de la fonction RH « champion du salarié », devant piloter satisfaction, motivation et engagement des salariés, c’est l’enquête de satisfaction, encore appelé baromètre social, voire l’entretien annuel, qui constituent les outils pertinents d’évaluation.
  • Dans l’optique du partenariat stratégique, il est indispensable de traduire les objectifs stratégiques de l’organisation en objectifs pour la fonction RH. Il y a donc en amont un véritable travail de reformulation nécessitant, d’une part, une grande connaissance des processus de création de valeur dans l’entreprise et, d’autre part, la construction d’un corps d’hypothèses sur des liens de causalité. On retrouve ici le « HR scorecard » évoqué plus haut comme outil principal d’évaluation. A noter le DRH doit être impliqué dans la décision stratégique, ce qui ne peut être réalisé qu’avec le soutien de la Direction Générale…. Ceci implique que le DRH soit à l’écoute des managers et qu’il ait une très bonne connaissance des différents processus de production dans l’entreprise.
  • Dans l’optique de la fonction RH «agent du changement», sa capacité à établir un diagnostic quant aux conditions de succès, et à mettre en place un accompagnement par la formation et la communication interne, est l’objet principal de l’évaluation. Les méthodes d’évaluation proposées sont l’audit de culture ou des retours d’expérience formalisés répétés dans le temps.

En synthèse, cette approche croisant les missions de la fonction RH avec différents modes d’évaluation nous apparaît comme la plus aboutie pour appréhender concrètement la mesure du lien entre performance de la fonction RH et succès de l’organisation ainsi que la définition des indicateurs clés. Même en prenant la précaution de souligner sa valeur hypothétique, provisoire, et réclamant des approfondissements, le tableau de synthèse ci-après nous parait un bon guide pour constituer un système d’évaluation de la performance de la fonction RH pertinent et cohérent par rapport à son positionnement et à ses éléments de contexte.

Souvenons-nous au « réfléchir sur ce qu’il est important de mesurer revient à faire le point sur ce qu’il est important de faire » !

Bonnes vacances à tous et rendez-vous au mois de septembre.

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