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La motivation (Septembre 2011)

 

Les trois termes qui s’inscrivent en titre de la présente lettre font souvent l’objet, dans le langage commun, d’une confusion qui, au-delà de son seul aspect sémantique, peut générer des comportements parfois nuisibles au chemin commun que se doivent d’accomplir les hommes et les femmes de l’entreprise comme les organisations qu’ils composent et rendent vivantes.

Ce premier volet reviendra sur la notion fondatrice du triptyque annoncé : la motivation ;  même en considérant que celle-ci a fait les  beaux jours des manuels de management  de la fin du siècle dernier, le concept (mais également son application) conserve nombre de zones d’incertitude pour tout responsable qu’il nous semble important d’éclairer.

Les lignes qui suivent ne reviendront pas sur les théories bien connues de la motivation (MASLOW et sa pyramide, MC GREGOR et ses « X » et « Y », THORSRUD et son « homme au travail »,…) ; en revanche, nous poserons ici quelques principes opérationnels dont nous sommes convaincus que leur évocation peut apporter une aide non négligeable à nos lecteurs.  

Rappelons en tout premier lieu que la motivation peut être « interne » ou « externe » à l’individu. La motivation externe est connue puisqu’elle se réduit à  » la carotte et au bâton », aux récompenses (matérielles ou virtuelles) et aux sanctions ; c’est finalement là une forme de « dressage » qui peut effrayer ;  il serait cependant inexact de nous départir de notre origine animale ! … Bien évidemment, cette seule approche serait largement insuffisante si l’on sait que ce qui différencie l’homme (mammifère supérieur) de l’animal (mammifère inférieur et structure reptilienne) réside dans son imaginaire. La motivation interne s’appuie sur cet imaginaire en cela qu’elle projette le réel dans une dimension « onirique » qui dépasse, on l’aura compris, le fameux « ici et maintenant » pour envisager un « demain » fabriqué autour de représentations elles-mêmes issues de perceptions, de mémoire et de fantasmes. 

Ceci posé, suivent quelques principes dont l’application permet de structurer le processus en lui donnant une valeur et un sens sans lesquels sa survenance demeurera dans la sphère des considérations rarement abouties rationnellement.

1er PRINCIPE : MOTIVER, C’EST  METTRE EN PLACE UN CADRE ALLIANT SECURITE ET LIBERTE

La sécurité se traduit par l’existence d’un cadre, d’un contenant (« on ne peut pas faire n’importe quoi… »). Sans ce cadre, sans ce contenant solide, l’individu est bien souvent trop préoccupé par ses émotions, ses peurs, ses angoisses (Que va-t-on penser de moi ? Suis-je à la hauteur ? Quels risques puis-je encourir ?……) ; en réalité, ces peurs ou angoisses sont ancrées dans le fait de ne pouvoir contenir soi-même ses propres pulsions agressives et autres émotions redoutées telles  les dites peurs et angoisses nées d’un imaginaire débridé qu’on ne pourrait plus contrôler soi-même. Le cadre est donc là pour rassurer. Dans la mesure où le collaborateur en éprouve la solidité et pense pouvoir s’appuyer sur lui pour contrôler (mais non restreindre) son imaginaire, il retrouve la possibilité de s’intéresser à autre chose qu’à ses affects.

Les individus réclament souvent une structure plus claire de la part de l’entreprise ; c’est leur façon de manifester qu’ils ont besoin de ce cadre rassurant pour pouvoir travailler. Si ce cadre doit être solide, il ne peut être question de tout maîtriser ; en cela, la notion d’espace de liberté doit se  voir elle aussi parfaitement définie ; le cadre n’est pas un carcan réducteur mais bien plus un espace de PROTECTION qui ouvre le champ des possibles (les PERMISSIONS), celles-là même qui initient le principe de liberté.

Il est aisé de comprendre, à travers ce propos, tout l’intérêt (ou le danger !) que représente l’organisation d’une structure ; en effet, lorsque l’on sait la différence intrinsèquement reconnue entre les membres d’une équipe, l’articulation CADRE/LIBERTE relève (presque) d’une « alchimie », d’un équilibre fragile qui s’imposent au responsable et qui l’amènent à une vigilance de tous les instants ; cette vigilance, ce curseur et son positionnement optimum doivent être soutenus par une organisation générale qui reprend la bipolarité décrite. La motivation ne se décrète pas ; elle se structure dans sa psychologie (comprendre l’autre), dans sa sociologie (gérer le groupe dans la complémentarité des individualités qui le composent) et dans sa PUISSANCE potentielle par un dosage permanent entre la protection que l’on offre et la permission que l’on donne à chacun et à tous.  

2ème  PRINCIPE : MOTIVER,  C’EST S’ASSURER QUE L’OBJET DES MISSIONS CONFIEES EST EN LIEN PLUS OU MOINS DIRECT AVEC LES POLES D’INTERET DES COLLABORATEURS.

En posture d’auto observation, force est de constater que l’on ne s’intéresse pas à tout, que l’on n’est pas « motivé » par et pour tout, que l’on privilégie certains secteurs (ce n’est pas pour rien que l’on a, généralement, embrassé tel métier plutôt qu’un autre). Il est également intéressant d’observer que l’on se souvient mieux des faits, évènements, thèmes qui nous ont positivement touchés, montrant ainsi que la motivation est un élément important de la mémorisation. Une deuxième condition est donc de permettre aux individus (dans la mesure où c’est possible) d’exercer un certain choix sur le sujet, la méthode, le moment où ils agissent ; ceci nous ramène à une notion très liée, dans son application, à la motivation : l’autonomie. Tout en posant le préalable d’un résultat à obtenir, lequel est souvent dicté par la structure, les voies de son accomplissement sont variées et ouvrent de multiples accès possibles ; ne tentons pas, sauf cas particulier, d’imposer mais veillons à ce que chacun puisse identifier la mission à accomplir (quelle qu’elle soit) comme un sujet de « plaisir » c’est-à-dire en lien avec ce qu’il ou elle apprécie et non comme une contrainte, source évidente de … « déplaisir » et donc de démotivation. 

Sachons, c’est une évidence, qu’il n’y a pas de thème universellement motivant, d’outil universel, de gadget. Ce qui a pu réussir dans une organisation, avec une équipe, ne marche pas forcément avec   d’autres, ce qui a été favorable une année ne l’est plus l’année suivante, ce qui a été utilisé avec succès par un collègue échoue avec nous…

Le métier de manager ne consiste pas à appliquer de « bonnes pratiques » définies une fois pour toutes mais relève davantage d’un art qui se travaille et se cultive, d’une capacité d’écoute du groupe permettant, par expérience, de poser l’hypothèse que pour telle personne ou telle équipe il est préférable de pratiquer ainsi. Les temps de paroles sont précieux pour entrevoir les fantasmes du groupe, les intérêts des uns et des autres et pour essayer ensuite d’en tenir compte dans la structuration de ses missions, de sa finalité et du sens que l’on souhaite donné à l’action commune. 

3ème PRINCIPE : MOTIVER, C’EST PARTAGER UNE VISION COMMUNE MISE EN ŒUVRE PAR DES OBJECTIFS COMMUNS.

Il s’agit ici de mettre en évidence tout l’intérêt d’une vision partagée portée par des objectifs acceptés et fédérateurs.

Ces objectifs communs sont  à l’origine de phénomènes de groupes (désir d’appartenance en particulier). Ils donnent l’opportunité de se sentir « en responsabilité » vis-à-vis du groupe, de trouver une place spécifique (un rôle) et valorisante ; dans ces conditions, le collaborateur n’est plus seulement un individu dans une équipe. De plus nous trouvons là l’occasion de sortir d’une position passive où il faut faire ce qui est demandé (position mal vécue par certains qui la considèrent dans leur imaginaire comme position « répressive ») pour accéder à une position active dans laquelle chacun incarne plus facilement certains éléments de ses désirs identitaires et… imaginaires. 

Il est nécessaire que toute personne puisse mettre en acte ces désirs à la base de sa motivation interne et ce « sous une forme sublimée », c’est-à-dire acceptable dans le cadre défini précédemment.

Cette valorisation permet de modifier l’image que l’on a de soi-même. Les signes de reconnaissance  (remerciements, compliments, réussites, réassurances donnés par les collègues, le ou les managers, les clients ….) sont des éléments de l’évolution continuelle de cette image montrant ainsi que la motivation est également liée à « l’image de soi ».

 

4ème PRINCIPE : MOTIVER, C’EST PROPOSER CERTAINS DISPOSITIFS (TRAVAIL COLLECTIF, GROUPE PROJET, PROCESS THINK THANKS …)

Au-delà des effets purement professionnels et relevant d’un métier, d’une activité ou d’une technique, cette typologie méthodologique permet de relancer l’intérêt de l’un par l’intérêt de l’autre. L’on sait qu’un individu, quelque que soit son « niveau », ne peut soutenir son attention durant plusieurs heures (règle des 80/20). Dans une production collective, les participants ne sont pas tous acteurs au même instant ; si l’un d’entre eux relâche son attention, les autres (dont l’animateur) vont presque instinctivement le relancer ; ainsi, l’entraide joue quant au résultat mais également dans la dynamique à la fois individuelle et globale de la démarche.

Quel que soit l’intérêt du système dont ces lignes veulent se faire l’écho, il est évident qu’il ne s’agit en aucune manière de privilégier l’outil pour l’outil, le processus pour le processus au détriment du fond, du contenu et finalement du sens ; nous souhaitons simplement attirer l’attention de nos lecteurs sur les conditions psychologiques dont tout responsable se doit de connaître pour le moins l’existence et les conditions de survenance afin d’en faire bénéficier les individus et l’organisation à laquelle il rapporte.

5ème PRINCIPE : MOTIVER, C’EST ACCEPTER DE PERDRE L’ILLUSION QUE TOUT COLLABORATEUR  DOIT ETRE EN POSTURE « D’EXTASE PERMANENTE » FACE A SON TRAVAIL

Chacun de nous doit pouvoir travailler sans être motivé ! Notre non motivation est un « droit » qu’il ne faut dénier … pas plus que nous ne pouvons le dénier aux autres …  Parfois, et nous l’avons tous vécu, « c’est barbant mais il faut bien le faire !».  Le responsable portant un regard objectif sur lui-même, n’a pas à endosser en permanence le costume du « manager winner » dont la vie toute entière est consacrée à sa mission quelle que soit celle-ci, dans toutes ses composantes, sous tous les angles et sous tous ses aspects !  Rappelons-nous que l’entreprise n’a jamais eu besoin de surhommes mais beaucoup plus d’homme sûrs ! Dans ce contexte, dire sa démotivation passagère ne représente en rien un danger, une faiblesse ou toute autre tare dont l’univers économique interdirait la manifestation ; tout au contraire, le responsable qui « dit » ce qu’il ressent sans exhibitionnisme, avec simplicité mais en toute transparence, ne peut qu’être un soutien pour ses équipes ! Nous illustrons ici un schéma psychologique parfaitement connu sous le vocable de « processus d’identification » qui consiste à renforcer l’alliance entre les individus dans la mesure ou l’un  d’entre eux (le leader, le « modèle ») ose formuler son « état d’être » ; loin d’entrainer une forme de contagion négative, cet « aveu » donne du sens à sa propre « souffrance » en montrant son caractère commun ce qui facilite, n’en doutons pas, l’atténuation des effets pervers d’un tel ressenti. 

Plus de culpabilité donc à se trouver en situation de démotivation ponctuelle ce qui est un sentiment, convenons-en, très … motivant !

6ème  PRINCIPE : MOTIVER, C’EST ACCEPTER DE PERDRE L’ILLUSION QU’ON PEUT « CONTROLER » LA MOTIVATION DES COLLABORATEURS

Dans la plupart des cas, on ne saura pas vraiment pourquoi tel collaborateur est motivé et pas l’autre car la motivation s’inscrit dans un processus qui est bien souvent inconscient ; elle est liée à « l’investissement » de la personne dans tel ou tel aspect de sa mission. Vouloir « motiver » tout le monde, partout et toujours relève du même fantasme que celui que connaissent bien les enseignants : vouloir faire réussir tous leurs élèves ! Nous nous inscrivons ici dans un syndrome nommé « toute puissance » que l’on retrouve de manière assez fréquente chez les managers évoluant dans un certain environnement très hiérarchique.

Le danger d’une telle attitude (elle aussi souvent inconsciente) réside dans l’effroyable sentiment de culpabilité qui s’impose dès que la réalité nous montre (et elle ne s’en prive pas !) que tout n’est pas exactement comme nous le projetions : nous pensions avoir tout prévu et rien ne se passe comme initialement planifié ; nous avions cru pouvoir anticiper telle réaction et c’est l’opposé qui survient ; nous avions de grandes ambitions pour telle personne de notre équipe qui , finalement, nous quitte sans autre forme de « justification » …

Cette culpabilité constitue, selon nous, une forme de rançon de ce fantasme de toute puissance ;  N’oublions jamais qu’il nous faut « naviguer » entre ce fantasme, le désintérêt de certains, le dilettantisme d’autres et l’intérêt sans conteste que nous avons, espérons-le, pour notre travail,  pour notre équipe, pour nos collègues et, pour l’entreprise à laquelle nous appartenons.

C’est par cette voie que nous entrons dans ce qui dépasse la « simple » motivation et que l’on nomme IMPLICATION.

Ils nous font confiance