Pour en
savoir
plus...

TITON Consulting contact

L’engagement (Novembre 2011)

Ce troisième et dernier volet de notre « triptyque » relatif aux liens humains qui peuvent (qui devraient ?) unir l’entreprise et les femmes et les hommes qui la composent, se veut aboutissement des deux précédents ; l’engagement des collaborateurs, puisque c’est de lui et d’eux dont il s’agit, est sans nul doute le « graal laïque » dont rêve tout dirigeant, tout DRH, tout manager …

Comme nous l’avons analysé pour nos deux précédents numéros, cette posture se construit, se consolide, s’entretient mais, surtout, se mérite !  Il n’est point question ici de mérite « moral » (bien que toute structure humaine se rassure par l’existence de cette morale) mais d’échange entre deux espaces qui, au nom d’un respect et d’une reconnaissance réciproques, vont être à même de co-construire un univers commun, partagé, cohérent dans et pour chaque partie.

Le schéma ci-dessous résume la progression identitaire de ce cheminement. 

La dynamique de l’engagement

 

1 – Tout est basé sur le sens

L’engagement ne peut se concevoir sans l’existence claire du POUR QUOI de tout acte posé ; puis-je être responsable de ce que je ne comprends pas ? Comment être en capacité d’accomplir toute mission si, de manière précise et tangible, je ne visualise pas (fut-ce virtuellement) la finalité de l’action que j’initie ? Ainsi, le principe consistant à « montrer la voie », expression quelque peu désuète et souvent moquée dans une certaine « littérature » à vocation managériale, a-t-il un intérêt certain, une valeur réelle … à la seule condition de ne pas en rester là ; en effet, la puissance du sens donné (la voie « montrée ») peut s’avérer affaiblie si elle n’est pas immédiatement suivie d’une appropriation, par les acteurs, de la dimension intellectuelle et opérationnelle de sa pertinence; l’engagement ne repose donc pas sur la seule écoute de la « parole » mais bien davantage  sur la manière dont chacun va l’intérioriser, l’intégrer, la faire sienne ; il s’agit ici de l’étape fondamentale d’une construction humaine dont l’absence est socialement « castratrice » tant elle se réfère à l’essence même de l’identité individuelle et, par impact, collective.

2 – Du sens au partage de la vision

L’engagement est également fondé sur une vision partagée !

Belle formule dont la traduction dans le réel (le quotidien) est parfois bien compliquée…  Convenons qu’il ne s’agit pas d’une démarche aisée tant elle implique, pour chacun, une forme d’ascèse nous amenant à nous extraire de nos propres cadres de référence, systèmes de représentations,… pour accepter une « troisième voie »  (la voie commune) dont on sait qu’elle est a priori  très partiellement en résonnance avec les références et les représentations en question ; le chemin est certes délicat mais il n’en demeure pas moins exaltant, gratifiant ! N’est-il pas positif, pour chacun et pour tous, de chercher nos points d’ancrage, nos valeurs communes, nos convergences dans la volonté d’avancer sur la voie acceptée parce que clairement décrite et réellement partagée ? Ne nions pas les différences qui demeurent et font aussi notre force sachant que, loin de s’exacerber, elles peuvent se décliner en lecture de la complémentarité qu’elles enrichissent et développent.

L’engagement résulte de cette quête d’appropriation.

Rappelons  que

    • Si nous visualisons (dans l’acception presque « physique » du terme)  le but à atteindre,
    • Si, parce que nous en avons compris le sens, nous l’intégrons dans notre sphère identitaire (processus d’appropriation),
    • Si nous passons de la logique du « OU » exclusive quant à la prédominance de nos repères propres et de nos valeurs individuelles à la logique du « CAR » symbolisant l’ouverture et l’alliance avec l’autre, avec les autres,…      

nous saurons mettre en mouvement « l’œuvre commune » en pleine connaissance de la responsabilité que cet engagement déploie ; celui-ci ne peut qu’être renforcé par la dimension sociétale  du pourquoi de l’existence de l’organisation, en quelque sorte de sa raison d’être : nous parlons ici de vocation dont la figure ci-dessus nous indique qu’elle s’inscrit en synthèse du sens (le POUR QUOI générique) et de la vision (le chemin et son issue … provisoire !).

3 – Vers une ambition commune

C’est le défi dans le temps autour duquel il convient d’échanger !

Il existe deux types d’ambition :

    • L’ambition volontariste qui est généralement emprunte d’éléments pulsionnels et du narcissisme des acteurs,
    • L’ambition définie par « le concept de hérisson » (hedgehog concept) tel que l’introduit J.C. COLLINS* ;  la question est de savoir « en quoi je suis le meilleur du monde » (core competencies), quelle est ma passion (ou « ce que je fais relève-t-il d’une véritable passion ? ») et, enfin, à quel point mon activité est-elle porteuse de valeur, de « rentabilité (dans la logique d’espérance de gain et non uniquement dans le gain actuel).

En considération de ces deux définitions possibles, l’engagement « s’implémente », on l’aura aisément compris, de manière beaucoup plus vive s’il s’apparente, dans l’intériorisation que chacun en fait, au second point ; sans nier le premier (qui existe chez nombre d’entre nous, soyons-en assurés !), notons que la réflexion de COLLINS s’inscrit dans une double dimension recouvrant à la fois une structure individuelle (prédominance du « JE » et, par extension, compromis avec l’ambition volontariste) et une structure collective relative sachant que ces critères sont parfaitement adaptables à l’entreprise.

Ainsi et à la lumière de ce troisième élément, l’acte d’engagement revêt une dimension prospective qui ne se circonscrit pas à un seul acte professionnel mais se pérennise dans la durée sans « routine », sans stagnation mais avec la stabilité nécessaire à son intériorisation.

4 – Pour des valeurs affirmées et vécues                

Que l’on comprenne bien que le mot « valeurs » et ce qu’il représente  ne recouvrent pas seulement la dimension éthique du concept ; les valeurs concernent aussi l’organisation et la culture de l’entreprise ; elles correspondent (selon J.C. COLLINS et J.L. PORTAS**) aux grands choix qui ne doivent pas changer et qui ne sont pas d’ordre opérationnel.

On distingue trois types de valeurs :

    • Les valeurs organisationnelles, fort bien traduites dans les fameux « 7S » de Mc KINSEY  [Stratégie, Structure, Systèmes, Staff (personnel), Style, Skills (savoir-faire dont, notamment, le mode de décision) et Superordinate Goals (valeurs suprêmes)], impliquent que toute option prise dans le cadre de chacun de ces sept pôles est génératrice de valeurs ;
    • Les valeurs culturelles ou transculturelles qui sont issues du contexte géopolitique du pays dans lequel on se trouve ; nous trouvons, sous ce même vocable, les valeurs sociétales, celles propres à l’entreprise qui sont au moins aussi prégnantes que les valeurs du pays  (l’on rencontre parfois, dans une même entité, deux personnes de nationalité différente beaucoup plus proches que bien des « compatriotes » !)       
    • Les valeurs éthiques constituées des choix moraux vis-à-vis des questions telles quele respect des personnes, l’intégrité, le bien commun,…  L’entreprise peut travailler avec les actionnaires, le personnel, l’ensemble des acteurs en lien avec la structure (collaborateurs, fournisseurs, clients,…), le bien commun national et/ou mondial, les plus pauvres (positionnement éthique), etc.   

En tout état de cause et après avoir clairement défini la nature des valeurs qui fondent notre action, la « charge de la preuve » appartient aux dirigeants, aux responsables ; formulé dans un langage moins « juridique », nous dirons plus simplement qu’il est essentiel de mettre en accord, en résonnance, les paroles et les actes ; il semble en effet bien difficile de parler d’engagement « pour une cause commune » à nos salariés si nous-même n’avons pas totalement intériorisé (au sens conviction tangible) ce principe ! Est-il possible de prôner des valeurs de partage et d’échange si, concrètement, nous n’en facilitons pas les conditions psychologiques, humaines et organisationnelles ?   Comment pouvons-nous prôner des valeurs de bien commun si l’on n’est pas particulièrement attentif au bien-être au travail du personnel ?     

L’engagement qui est le socle de l’autonomie et de la responsabilité, se distingue de la motivation et de l’appartenance en cela qu’il permet (ou qu’il demande) une forme de « courage » fondé sur la conviction  d’être en accord avec soi, avec les autres et avec l’institution ; il serait illusoire de penser que l’engagement se décrète (le fameux «engagez-vous » qui, au-delà de son côté humoristique, porte une signification plus profonde) ; il se forge, entre autres, à la lumière d’un principe que nous considérons comme l’un des piliers du management : la cohérence ! Tentons de créer l’harmonie entre nos actes  professionnels (techniques, comportementaux, …), notre identité et notre environnement ; c’est dans cette posture que réside, à n’en pas douter, la vérité du lien entre l’individu et l’entité qui l’emploie.   

*COLLINS J.C., Good to Great HarperBusiness, 2001 ; traduit en français par De la Performance à l’Excellence, Village Mondial, 2003 
Dans son concept de « hérisson », COLLINS entend le succès comme la conjonction de trois facteurs : la passion de l’entreprise pour son domaine (ce qui correspond au désir), la rentabilité qu’elle sait générer (c’est la création de valeur) et l’avantage compétitif (être le meilleur au monde dans son domaine)    
** COLLINS J.C & PORRAS J.L., Built to last – Successful habits of Visionary Companies, Harperbusiness, 1994; en français : Bâties pour durer – Les entreprises visionnaires ont-elles un secret ? First 1996   

Ils nous font confiance