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La fonction ressources humaines : efficience, efficacité et impact – 1ère Partie (Mai 2014)

La mobilisation des ressources de l’entreprise et la performance que ce processus appelle et concrétise donnent aux trois concepts annoncés dans le titre de notre lettre mensuelle une résonnance tant particulière que profondément actuelle ; peut-on mesurer objectivement et opérationnellement ce qui, dans le domaine de l’humain, appartient presque et sous certains de ses aspects, à l’irrationnel ? Sommes-nous, en tant que professionnels du Management et des Ressources Humaines, en capacité de lire clairement l’impact identitaire à la fois individuel et collectif de nos stratégies, de nos politiques, de nos ambitions, de nos missions … ? C’est cette réflexion que nous nous proposons de partager, dans nos trois publications présente et à venir, avec nos lecteurs.

Etant posé que les appellations de « RH », « fonction RH », « DRH », peuvent recouvrir des significations différentes d’une organisation à une autre, il nous a semblé cependant pertinent de proposer une clarification de ces notions aussi générique que possible pour utilisation dans ces lignes :

« Le DRH » désigne la personne, homme ou femme, à la tête de la Direction des Ressources Humaines. Il pilote la fonction Ressources Humaines. Enfin, il est le représentant de cette fonction auprès de la Direction de son organisation,
La « fonction RH » désigne l’ensemble des professionnels dédiés aux activités d’administration et de gestion des ressources humaines de l’organisation,
La « fonction RH élargie » comprend l’ensemble des professionnels RH (« fonction RH ») et du management,
– Enfin, « les Ressources Humaines » ou « les RH » désigne l’ensemble des collaborateurs et collaboratrices de l’organisation. On parle aussi de « capital humain » de l’organisation.

1. Définition de la notion de performance

La performance est une notion qui peut revêtir une part d’ambiguïté nourrie par l’évolution de son sens depuis le 19ème siècle, et par des acceptions actuelles différentes entre le Français et l’Anglais.
Elle peut ainsi désigner un résultat, un jugement quant à ce résultat (succès ou échec), ou bien l’action y conduisant. En anglais, la performance contient à la fois l’action, son résultat et éventuellement son exceptionnel succès. Dans le domaine de la gestion, et notamment du contrôle de gestion, il semble que ce soit très souvent cette définition la plus large qui soit retenue.
Concernant la fonction RH, cela signifie que sa performance peut recouvrir tantôt la mise en œuvre de pratiques de GRH, tantôt l’atteinte d’objectifs, tantôt ses effets sur la performance de l’entreprise.

C’est, comme nous allons le voir, l’établissement de ces effets, de la preuve de leur existence à leur quantification en passant par leur explicitation, qui constitue la problématique théorique majeure de l’évaluation en GRH. Soulignons que cette problématique réside dans la compréhension conceptuelle rattachée aux notions de performance organisationnelle, de performance financière de l’entreprise, et même de performance des actions de GRH par rapport aux résultats attendus.

Nous nous attacherons donc, pour commencer, à qualifier la terminologie que nous retenons pour la suite en nous appuyant sur des représentations théoriques reconnues.

1.1 La performance de la fonction RH

Pour aborder concrètement ce que recouvre la performance de la fonction RH, il est nécessaire de qualifier plus précisément dans un premier temps les missions des professionnels de cette fonction, et dans un deuxième temps, de préciser les différentes natures de leur performance. Concernant le premier point, deux représentations majeures se distinguent dans la littérature : la première est déduite de la décomposition de la GRH (LE LOUARN et WILS/ 2001), la seconde est un modèle de missions de la fonction RH proposé (ULRICH/1996).

Ainsi, LE LOUARN et WILS (2001) divisent la GRH en trois parties : gestion administrative, gestion opérationnelle, et gestion stratégique. Cette partition est parfois représentée par une pyramide figurant la gestion administrative comme le socle, et la gestion stratégique comme le sommet.

Chacune de ces parties fait l’objet de politiques, processus, et pratiques différentes, avec les définitions suivantes :

– une politique est un énoncé général qui indique l’intention de l’entreprise (par exemple, la politique de l’entreprise est de recruter les meilleurs),
– un processus est un ensemble d’activités reliées entre elles en vue d’un résultat concret (par exemple, le processus de recrutement part de l’ouverture d’un poste jusqu’à la réception de candidatures),
– une pratique est une manière de faire de l’entreprise (par exemple, interviewer les candidats en groupe).

Nous retiendrons, pour cette réflexion, ces trois définitions lorsqu’il sera nécessaire d’en faire la distinction, ou, dans le cas contraire, les regrouperons sous le vocable de « pratiques RH ».

Revenant au sujet de l’évaluation de la performance de la fonction RH, il peut donc être judicieux de distinguer ce que l’on peut qualifier de :

– performance administrative de la fonction RH, relative aux activités de gestion administrative, à savoir : la tenue des dossiers du personnel, le respect de la réglementation juridique du travail, l’administration des conventions collectives et la paye,
– performance opérationnelle de la fonction RH, relative aux activités de gestion opérationnelle décrites, à savoir : la gestion des personnes, la gestion des compétences, la gestion prévisionnelle, le recrutement, la formation, la rémunération, l’évaluation, la gestion de la santé et de la sécurité au travail, et les conflits interpersonnels et collectifs,
– performance stratégique de la fonction RH, relative aux activités incluses par les deux auteurs, à savoir : l’analyse de l’environnement RH de l’entreprise, la formulation de la stratégie de GRH, sa mise en œuvre et l’évaluation de ses résultats.

Il existe un modèle (ULRICH/1996) qui permet de préciser la notion de performance de la fonction RH sous l’angle de ses missions ou orientations. Ce modèle la caractérise en effet par quatre rôles : expert administratif, champion des salariés, partenaire stratégique et agent du changement. Ils peuvent être visualisés comme les quatre quadrants d’un diagramme à deux axes (un axe horizontal pour l’orientation Processus vs Individus, et un axe vertical pour l’orientation Quotidien/Opérationnel/Court terme vs Futur/Stratégique/Long terme) :

La performance dans chacun de ces quatre rôles possibles de la fonction RH nécessitera une évaluation de nature différente, en particulier dans le choix des indicateurs de mesure :

En tant qu’expert administratif, la fonction RH est garante du bon fonctionnement de l’administration du personnel (paie, contrats, etc.). Elle doit assurer un service de qualité à tous ses clients internes pour un coût réduit. Ses objectifs porteront donc sur une productivité exemplaire et une satisfaction de ses clients internes pour les processus RH administratifs dont elle a la charge.
En tant que champion des salariés, la fonction RH recherche à maximiser leur niveau d’engagement, de motivation, de compétences, de contribution. Ses objectifs pourront ainsi traiter de conditions de travail, qualité du travail, rémunération, formation, gestion des compétences, climat social, etc.
En tant qu’agent du changement, la fonction RH accompagne la transformation de l’organisation. Ses objectifs seront relatifs, par exemple, à la création d’une nouvelle organisation, à une évolution culturelle, à une orientation massive en termes de nouvelles compétences, à des opérations de communication interne ou de formation des managers.
En tant que partenaire stratégique, la fonction RH recherche l’alignement permanent des politiques RH avec la stratégie générale et business de l’entreprise. Chaque objectif business doit être traduit en objectif RH.

Les deux modèles présentés ci-dessus ont donc en commun de définir le périmètre et donc les missions de la fonction RH. Or, pour évaluer la performance de cette fonction sur chacune des missions identifiées, distinguons trois types de performance des missions ou activités de la fonction RH: l’efficience, l’efficacité, et l’impact.

L’efficience d’une mission ou activité de la fonction RH relie les ressources mobilisées (investissements humains, financiers, et temporels) à la mise en œuvre de telle pratique ou tel projet RH de la fonction RH. La performance consiste à utiliser de façon la plus rationnelle et économe les ressources dans le temps, pour réaliser un processus, une prestation, ou plus généralement une mission de la fonction RH.
L’efficacité d’une mission ou activité de la fonction RH relie les pratiques ou projets RH mis en œuvre aux résultats obtenus sur les populations visées. La performance consiste à maximiser le degré d’atteinte des résultats RH.
L’impact d’une mission ou activité de la fonction RH relie les résultats obtenus sur les populations visées à l’efficacité stratégique et organisationnelle de l’entreprise. La performance consiste alors à créer de la valeur ajoutée en activant les meilleurs leviers contribuant à la performance de l’organisation.

Considérons, à titre d’illustration, la réalisation d’un plan de formation. Il sera jugé d’autant plus efficient que son coût est moindre, qu’il fait l’objet de subventions, qu’il minimise les interruptions de travail des salariés, ou que le présentéisme aux sessions est maximal. Il sera évalué comme d’autant plus efficace qu’il permet aux différents bénéficiaires d’acquérir les compétences visées et de pouvoir les mettre en œuvre en situation de travail conformément aux objectifs pédagogiques affichés. Enfin, son impact dépendra de l’accroissement de la valeur ajoutée que génère ce plan de formation, mais aussi de sa pertinence vis-à-vis de la stratégie (est-ce bien sur les forces de vente qu’il devait être concentré ? Peut-on lui imputer un accroissement des ventes ?…).

Ce concept d’impact reliant résultats RH à la performance de l’organisation nous conduit à devoir définir cette performance de l’organisation.

1.2 La performance de l’organisation

La performance de l’organisation ouvre un champ très large qui ne constitue pas le cœur de notre problématique. A ce titre, nous nous sommes volontairement limités à l’étudier au travers de notre pratique et des recherches en GRH utilisées ici.

La performance organisationnelle est une notion qui peut correspondre à un périmètre plus ou moins large et être abordée sous des angles différents. On trouve en effet une certaine diversité dans les définitions proposées : limitation du concept à la performance productive et commerciale (productivité du travail, qualité des produits et services, ventes et profits tirés des ventes,…), qui se distingue de la performance financière (rentabilité, autonomie financière, structure d’endettement,…) et de la performance boursière (cours de l’action), regroupement de ces trois types de performance et ajout d’autres dimensions sous une même terminologie de « Performance Organisationnelle », etc.

Une autre vision (Morin, Savoie et Beaudin/1994) distingue quatre dimensions de la performance organisationnelle :

L’efficience économique, qui produit la plus-value économique,
La pérennité de l’organisation, qui produit sa survie,
Sa légitimité auprès des groupes externes, qui produit l’acceptabilité « politique »,
La valeur des ressources humaines, qui produit la cohésion sociale.

Une vision similaire de la notion de performance organisationnelle par sa globalité existe (LE LOUARN et WILS/2001) tout en considérant néanmoins quatre dimensions différentes de celles proposées précédemment. Ces dernières correspondent aux attentes des différentes parties prenantes pour lesquelles on peut considérer à chaque fois deux niveaux de temporalité (court terme et long terme) :

 Une dimension financière et comptable,
 Une dimension « consommateur-produit »,
 Une dimension sociopolitique,
 Une dimension « emploi ».

Notons que la pérennité de l’organisation, présentée comme l’une des composantes de la performance de l’entreprise est une sorte de « méta résultat organisationnel ». En effet, s’installer dans la durée devient la définition ultime du succès d’une entreprise. La pérennité est la ligne d’horizon commune vers laquelle convergent les regards des actionnaires…

On réalise aisément qu’il peut donc y avoir des différences importantes de perception de ce qu’est la performance d’une organisation, d’autant plus si l’on considère tous les types d’organisation (entreprises privées, publiques, associations,…).

De ce fait, optons pour une définition la plus générique possible en retenant que la performance de l’organisation est la réalisation des objectifs organisationnels, quelles que soient la nature et la variété de ces objectifs. Cette réalisation peut se comprendre au sens strict (résultat, aboutissement) ou au sens large du processus qui mène au résultat (action). Autrement écrit, nous définissons le succès de l’organisation comme l’atteinte des objectifs stratégiques et opérationnels définis par cette organisation elle-même.
Cette définition paraît pertinente dans la mesure où le lien entre réalisations de la fonction RH et orientations stratégiques de l’organisation (ainsi que leur déclinaison opérationnelle) est au cœur de la problématique de la performance de la fonction RH et donc de son évaluation.

Nous nous arrêterons, dans notre prochain numéro, sur le sens et la nature des indicateurs qui permettent de mesurer les trois types de performance tels que définis : efficience, efficacité et impact.

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