Chacun sait que les managers ont fort à faire aujourd’hui pour gérer la pression de leurs équipes, entretenir voire renforcer leur motivation, favoriser la nécessaire transversalité, mais aussi parfois surmonter les difficultés de la solitude…
Le co-développement professionnel peut apporter ce recul nécessaire ainsi que des réflexes d’entraide et de coopération au sein de l’entreprise, de la division, de l’équipe etc. Cette approche de formation, encore peu connue, se révèle à la fois surprenante d’efficacité et de simplicité…
D’origine canadienne, le co-développement professionnel est une démarche mise au point dans les années 80 par Adrien Payette, professeur de management à l’ENAP de Montréal (Ecole Nationale d’Administration Publique). Adrien Payette est un praticien, depuis près de 20 ans, de cette méthode qui vise à redonner à l’expérience et à l’action leurs lettres de noblesse tout en multipliant les forces des intelligences individuelles.
Le co-développement s’inspire du courant nord-américain des pédagogies de l’action, de l’expérimentation et de la dynamique des groupes (Action Learning), avec pour précurseur Kurt Lewin. Dans les années 40, Kurt Lewin s’attache à prendre en compte les dynamiques de groupe, et tente d’expliquer, par l’expérience, les comportements en société. Il va étudier les groupes humains au travail, et expérimenter différentes hypothèses d’autorité.
«Le groupe de co-développement professionnel est une approche de formation pour des personnes qui croient pouvoir apprendre les unes des autres afin d’améliorer, de consolider leur pratique.» (Adrien Payette)
On peut aussi le définir comme un groupe de 6 à 8 personnes qui, individuellement, souhaitent travailler sur leur auto-développement professionnel et s’unissent pour s’entraider dans leur démarche.
Une autre définition pourrait apparenter ce processus à une forme de coaching en groupe de pairs. Le groupe de co-développement est plus qu’un lieu de parole et de partage, car l’objectif d’amélioration de la pratique de chacun est explicitement mis en évidence.
Examinons maintenant le travail d’un groupe de co-développement lors d’une séance. Rappelons tout d’abord que le dit groupe, constitué de 6 à 8 personnes, se réunit sur une période de 6 mois à 1 an, à raison d’une demi-journée mensuelle, durant laquelle 2 séances d’une heure trente chacune pourront se dérouler. Ce format peut varier en fonction de la demande et de l’objectif du groupe.
L’un des participants prend le rôle de «client-participant», les autres étant ses «consultants». Ces derniers ont pour objectif central et unique d’aider le client-participant. La démarche, très structurée, s’articule autour de 6 étapes limitées dans le temps (exposé de la problématique, clarification, contrat de consultation, consultation, synthèse et plan d’action, partage des apprentissages de chacun).
Généralement, les participants à un groupe de co-développement poursuivent plusieurs des objectifs suivants :
Il peut être intéressant avant d’utiliser le co-développement de demander aux participants de lister les enjeux majeurs dans leur pratique actuelle, de dresser une sorte de cartographie globale.
Cette première réflexion d’ensemble peut rendre encore plus efficace un groupe de co-développement dans la mesure où les sujets de consultation ne sont plus choisis seulement selon les circonstances du moment, mais en lien avec la vision plus globale et stratégique de la pratique professionnelle de chacun.
Il est fréquent de faire le constat suivant : alors que « l’on » pensait assister à une énième formation au management, utiliser une méthode de plus, encore …, voilà que, au terme d’une heure trente de séance passée ensemble, on se prend au jeu, on s’implique, et on en retire finalement une belle satisfaction collective.
Quels sont donc les ingrédients fondamentaux pour arriver à cet étonnement, à cette implication, à ce plaisir collectif ?
Au-delà de ces principes, l’étonnement et l’impression de vivre une démarche vraiment nouvelle s’expliquent aussi par le fait d’être l’acteur immédiat d’un processus où les règles du jeu sont simples et rapidement assimilées, sans rapport de force au sein du groupe.
Chacun trouve sa place, se fait entendre, exprime un argument. Chacun produit les idées qu’il pense utiles au client-participant. L’enjeu n’est pas de convaincre à tous prix ou d’obtenir un consensus. Au contraire, les divergences sont les bienvenues puisqu’elles sont un moyen d’enrichir la réflexion du client-participant l’aidant ainsi à regarder les choses autrement.
Chacun puise dans ses ressources, son expérience, son parcours, et s’efforce de se mettre véritablement au service du client-participant.
Le groupe de co-développement est un orchestre où chacun s’efforce de jouer au mieux de son instrument, tout en prenant aussi appui sur le jeu des autres et en veillant à l’harmonie générale. Chacun est concentré et en éveil permanent.
La méthode elle-même est aussi source d’étonnement. Elle est à la fois structurante et libératrice. L’animateur en est le garant et chacun peut donc se reposer sur lui et se laisser aller à un vrai travail de réflexion, d’apports d’idées. Pour reprendre la métaphore précédente, le groupe de co-développement fait totalement confiance à son chef d’orchestre.
Enfin, le client-participant lui aussi est souvent surpris et parle de «puissance» de la démarche. Il reçoit beaucoup, sans commentaire, sans justification, perçoit d’autres angles de réflexion, découvre des aspects qu’il n’avait pas vus. Tout ceci l’amène à élaborer naturellement les 2 ou 3 actions qu’il envisage par rapport à sa problématique de départ.
Un groupe de co-développement peut rassembler des personnes ayant une communauté de situation ou de métier, des thématiques ou des enjeux professionnels communs.
Le lien qui relie toutes ces personnes s’inscrit totalement dans leur besoin de parler « entre eux », d’échanger sur leur réalité quotidienne, sur ce qui se passe sur le terrain, d’écouter et consulter les autres sur les situations qu’ils vivent.
La mise en place du co-développement dans l’entreprise suppose, on le voit, un degré d’ouverture et une confiance préalable entre les participants. Il convient en effet d’être capable de d’évoquer en toute simplicité sa pratique professionnelle. Le co-développement suppose également une certaine humilité, à la fois de la part des participants (oser demander de l’aide) et de la part de l’animateur, qui, en l’espèce, ne se situe pas dans la verticalité de l’apport d’un savoir « froid » et descendant mais plutôt dans un accompagnement méthodologique, à la fois discret et efficace, vers des objectifs très concrets.
Apprendre les uns des autres demeure l’essence même du co-développement.