A l’heure où les concepts de « lâcher-prise », de « ressourcement », de « zen attitude », de « mise en distance », … fleurissent dans toute publication réputée sérieuse dont la lecture constitue l’incontournable enrichissement culturel du manager contemporain, il est pour le moins paradoxal de constater à quel point les vacances (autrement appelés congés annuels … symbolique pour le moins significative !) inquiètent ces mêmes managers ! Nombreux sont ceux qui, à la question « Quand partez-vous en vacances ? » répondent d’un ton parfois gêné en tentant maladroitement de cacher un marbre de honte rougissant leur visage : « Je vais essayer de prendre quelques jours …. ».
Finalement, quelle finalité pouvons-nous donner à ce moment particulier qui nous amène, chaque année et à deux ou trois reprises selon les secteurs, les entreprises et l’ancienneté cumulés, à nous extraire (encore un vocable fort peu anodin) de notre environnement professionnel pour tenter, tant bien que mal, de nous ressourcer, de lâcher prise, de prendre de la distance, … bref, de retrouver une forme de « zénitude » que notre quotidien tend à malmener ?
Au-delà du droit aux congés payés issu de l’année 1936 et des évolutions législatives que celui-ci a connues depuis, revenons à une source qui est souvent éclairante quant au sens profond des mots ; le terme CONGE vient de deux locutions latines : commeatus (permission) et commeare (circuler) ; ainsi, le congé se définit donc, étymologiquement parlant, comme une période pendant laquelle il est permis de circuler … Autrement écrit, ces instants sont destinés à se voir ouvrir les portes d’autres lieux que ce que notre « devoir » nous impose de fréquenter.
Arrêtons-nous brièvement sur l’idée de « liberté de circulation » à laquelle chacun a droit pendant « ses congés » ; on l’aura aisément compris, ceci ne concerne pas uniquement la dimension physique ou géographique du processus ; cette liberté peut aussi s’inscrire dans notre « tête » ou, pour faire plus savant, dans notre psychisme ; dans ces conditions et si l’on accepte de relever ce défi (c’en est bien un … !), les dits congés sont l’instant rêvé du vagabondage mental, d’un moment d’exception où nous laisserons les pas de notre imaginaire nous « perdre » avec délice sur les chemins d’une aventure intérieure qui ne ressemble à rien d’autre que ce que nous voulons bien qu’elle soit ; en définitive, nous serons, dans ces circonstances et sous cette condition, parfaitement LIBRES puisqu’en totale communion avec les trois composantes de notre identité que sont les besoins, les émotions et, finalement, ce fameux imaginaire !
Seulement voilà, il y a hélas un « bug » dans ce tableau idyllique : sommes-nous prêts à franchir cette frontière et à accueillir, l’espace de quelques jours, le triptyque en question ? Ne restons-nous pas, quelque part, connectés à notre image par peur de disparaître socialement des écrans de contrôle de notre environnement ? Osons-nous réellement atteindre cet état d’indépendance (provisoire, que l’on se rassure) qui nous permet d’être probablement un peu plus nous-même et, avouons-le, un peu plus centrés sur nous-même ? En dépit du bien que procure ce repos tout à la fois physique mais aussi psychique (les deux étant complémentaires et distincts), considérant que ce bien là se vit plus dans l’ici et maintenant qu’il ne se prévoit réellement, nous « restons en contact » grâce à notre téléphone portable (« au cas où … »), nos emails (« on ne sait jamais… »), nos collaborateurs (« qu’êtes-vous sans moi ? »), nos collègues (« n’en profitez pas pour prendre ma place ! »), notre patron (« vous remarquerez à quel point je suis engagé… ») etc.
Alors, si vous le voulez bien, tentons de remettre les choses à leur vraie place et, par-là, essayons de donner du sens à notre absence pour redonner du souffle (psychique, bien évidemment) à nos congés :
Nous imaginons sans peine certains de nos lecteurs pouvant réagir et trouver nos propos par trop idéalistes, peu conformes à une réalité d’entreprise voire franchement utopiques … Nous accueillons l’éventualité de ces remarques pour l’instant virtuelles avec beaucoup de respect tout en nous permettant de préciser ceci : les premier pas vers cette liberté autorisée par notre « permission de circuler psychologique » pourraient consister à se dire : ET SI C’ETAIT POSSIBLE ?
Bonnes vacances à tous !