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Diriger, c’est donner le sens (Février 2011)

 

Nous avons défini, dans nos deux lettres précédentes, la notion d’entreprise cohérente ; il convient maintenant d’approcher le concept dans sa dimension applicative sachant qu’il n’est pas question, dans ces lignes, de remplacer une réalité par une autre mais de repérer ce qui est déjà présent, ce qui en porte déjà les vertus en tentant de mieux connaître, de mieux ajuster, de mieux maîtriser ledit concept pour progresser ; il s’agit donc de conduire un véritable changement qui demande  :

    • de discerner les potentiels existants,
    • de décider d’orienter l’entreprise en conséquence,
    • de développer ces atouts en transformant progressivement l’existant.

Ce sont trois clés du management de l’entreprise où l’on retrouve ici :

    • Le Sens, comme principe de compréhension et de discernement,
    • Le Sens, comme orientation et détermination du bien,
    • Le Sens, comme vecteur de l’action.

Si, pour l’essentiel, diriger c’est donner le Sens, on a là les trois préoccupations majeures de la responsabilité dirigeante et, par délégation, de toute hiérarchie d’encadrement et donc de l’activité managériale. Ce souci de maîtrise du Sens se traduit, bien évidemment, dans des termes économiques, stratégiques, politiques mais aussi sur les plans de la production, de la communication et des relations qui font la vie de l’entreprise.

Le management à l’âge du Sens suppose l’acquisition d’un nouveau niveau de maîtrise. C’est celui-là même dont les trois volets sont ici définis et que l’on va examiner dans leur généralité et au travers de différentes fonctions ou problèmes de l’entreprise cohérente.

DISCERNER LE SENS : COMPRENDRE

S’il s’agit, dans l’action, de rassembler toutes les ressources dans le même Sens, on comprend qu’il doive être fermement déterminé et que, pour cela, un travail de choix, appuyé sur un discernement préalable, soit judicieux. Il s’agit donc au départ de discerner les différents Sens du possible. Cela relève d’une pratique spécifique mais aussi d’une prise de position, centrée sur le contexte où la recherche du meilleur Sens apparaît comme pertinente.

Le discernement des Sens profonds, au-delà des apparences, relève d’une « intelligence symbolique », peu développée dans notre culture où le souci de la maîtrise des représentations, grâce à la raison, a prédominé.

C’est pour cela que le recours à l’intuition est, malgré tout et plus particulièrement son côté subjectif, une première approche. Cependant, avec la théorie des Cohérences Humaines, il a été possible d’éclairer les processus de discernement, d’élaborer des outils et des techniques qui peuvent y aider jusqu’à l’établissement de « cartes de cohérences » qui permettent, comme une rose des vents, de représenter les différents Sens d’une situation ou d’une problématique.

S’il n’est pas possible de dépasser ici cette indication de l’existence de moyens appropriés, nous pouvons explorer quel Sens il peut être utile de discerner pour le management de l’entreprise cohérente.

Prospective et discernement

Le monde dans lequel nous vivons est animé de toutes sortes de courants, de tendances, et il est, bien sûr, important d’en discerner les Sens pour se situer vis-à-vis d’eux. Chaque Sens, sous-tendant un courant, est la source de systèmes explicatifs, d’échelles de valeurs, d’usages, de manières d’agir et d’entreprendre. Il est du plus haut intérêt pour les dirigeants de dépasser le stade de l’information et de la représentation pour accéder quelque peu au Sens, seul explicatif des tenants et aboutissants, des logiques et cohérences ainsi que des valeurs et des positions.

Ce travail conduit à situer aussi l’entreprise et sa finalité dans ce contexte. Le discernement en matière de prospective peut être centré sur différentes questions générales ou locales par effet de focalisation autour d’une problématique particulière dont les différents Sens seront alors à élucider. Il en est ainsi notamment pour les problèmes de société comme l’exclusion, les rapports au travail ou les situations internationales.

Culture et discernement

Les sociétés humaines identifiées ont toutes leur culture propre et cette culture est porteuse de multiples Sens qui sous-tendent ses positions, orientations, façons d’agir, de sentir et de penser. Le discernement des Sens permet non seulement de mieux comprendre les points de vue et les usages des groupes humains et collectivités diverses mais de repérer quel en est le meilleur Sens : celui de la vocation humaine de chaque communauté.

Il en va par exemple de la vocation de l’Europe dont l’élucidation permet de mieux comprendre ce qui se joue et donc de se situer par rapport au meilleur Sens. Il en va des pays ou régions où l’entreprise agit, soit pour son management qui doit être culturellement significatif, soit pour discerner les valeurs des populations auxquelles on destine les « biens et services » de l’entreprise.

La participation au développement de ces pays ou régions dans le meilleur Sens n’est pas indifférent pour apprécier l’engagement ou la responsabilité de l’entreprise mais aussi en regard des concours qu’elle peut recevoir.

La communauté de travail et d’engagement que constitue l’entreprise est au premier plan pour l’importance de l’élucidation de sa culture par le discernement des Sens, ne serait-ce que pour repérer sa vocation, sa meilleure offre et aussi son meilleur potentiel. Comment gouverner l’entreprise cohérente à l’âge du Sens sans mettre cela dans les toutes premières priorités ?

Un travail équivalent peut être fait pour les différents groupes humains, entreprises partenaires, groupements d’entreprises, services mais aussi les corps professionnels, etc.

Situations et discernement

Chaque situation réclame un discernement des Sens qui s’y jouent et du meilleur Sens pour y puiser des potentiels et engager un processus de résolution des problèmes. Cela vaut pour la situation de l’entreprise à un moment essentiel de son existence, pour un événement conjoncturel, pour un problème particulier, une unité, une équipe, un projet.

La pratique du discernement du Sens est un des moyens d’éclairage du management, chaque fois qu’une position (de Sens) devra être prise ou pour évaluer la pertinence (de Sens) des actions qui sont menées.

Personnes et discernement

Il est tout aussi important de discerner le Sens des motivations humaines, des logiques comportementales, au delà de l’infinie diversité de leurs expressions.

Si la cohérence des personnes se détermine d’abord sur le Sens, il est bon, soit de discerner leur position, soit de leur permettre de situer leur position par rapport à un Sens proposé.

Il importe aussi de s’interroger sur la vocation et les potentiels des hommes pour qu’ils expriment leur meilleure cohérence au projet commun. Il faut souligner que ce n’est pas la position ni la valeur intrinsèque de la personne qui importe mais son potentiel de cohérence relatif à une entreprise précise. C’est ce qui peut apporter une cohérence éminente à tel projet et médiocre à un autre. Ce n’est pas une question de valeur intrinsèque mais relative. Cette démarche permet d’optimiser les pratiques de recrutement, de formation des équipes, la responsabilité confiée, etc.

Reste, ce qui n’est pas négligeable, le discernement propre des dirigeants sur le Sens de leur vocation, de leur motivation en rapport avec celui de l’entreprise. Les fondateurs donnent leur Sens à l’entreprise mais les successeurs ont à se situer par rapport à cela.

Pour les uns et les autres, l’investissement considérable et profond que réclame la direction d’une entreprise ne permet guère de dualité entre le Sens qui anime la personne et dans lequel elle se retrouve et celui selon lequel elle dirige. Il s’agit du Sens réel, souvent inconscient, et non du Sens déclaré ou apparent, quelquefois trompeur. La vocation humaine de l’entreprise trouve ainsi très souvent son assise dans la vocation des dirigeants qui rassemblent autour d’eux un consensus réalisateur.

Cela nous conduit à considérer l’autre aspect du discernement, sa centration lorsqu’il faut choisir un Sens pour diriger et ce même si, sur le fond, la question est plus complexe ; l’on peut cependant proposer quelques hypothèses.

Le Sens de l’entreprise peut être fondé sur le meilleur Sens d’un service à apporter à un public, une clientèle. Il peut être fondé sur le meilleur Sens (potentiels et services) de la communauté d’entreprise. Il peut être fondé sur le projet, l’ambition des fondateurs ou dirigeants. Il peut être fondé sur une problématique humaine à résoudre ou bien encore dans les Sens et valeurs d’un métier.

C’est une part de la responsabilité de dirigeant que d’avoir à situer le centre fondateur de l’entreprise source de détermination de son Sens. Les différents choix ne s’excluent pas véritablement mais ils positionnement l’entreprise d’une façon particulière autour de laquelle se noueront les cohérences.

DETERMINER LE SENS : DECIDER

Ensuite vient le moment de choisir, de décider, de déterminer le meilleur Sens à donner pour orienter l’entreprise.

C’est la responsabilité essentielle du dirigeant qui l’engage profondément en même temps qu’elle engage toutes les cohérences et les fruits que l’on peut en attendre.

Le « meilleur » Sens relève simultanément de la position éthique, du meilleur potentiel humain, du meilleur service mais aussi de la plus grande cohérence de l’action.

Pour décider, le dirigeant de l’entreprise cohérente peut avoir recours à ses propres repères si tant est qu’ils l’éclairent sur le Sens du bien de l’homme. Il peut en appeler à ses propres aspirations qu’il faudra bien investir et qui peuvent légitimer sa prise de position entrepreneuriale. Il peut également situer son choix dans un contexte particulier pour mesurer l’écart éventuel de celui-ci avec les grandes tendances du moment. A titre d’exemple, il peut être utile de vérifier les possibilités de consensus avec le corps social de l’entreprise pour prendre la mesure des stratégies de confortation ou de changement éventuels.

Il trouvera aussi des critères de choix dans la façon de répondre à une attente du marché, dans la valeur humaine du service à rendre. Rien ne rend incompatibles les différents critères et repères du « bon » Sens. Cependant, c’est la responsabilité singulière de chacun de les hiérarchiser pour asseoir son choix, sa détermination et en évaluer les conséquences. Bien évidemment, cela fait appel à une certaine maturité dont on peut imaginer qu’elle survient après avoir dépassé un certain nombre d’étapes du développement humain ou, pour le moins, dans la mesure où l’on accepte de se faire aider dans cette démarche.

DEVELOPPER LE SENS : AGIR

La décision prise, évaluée, validée, il reste à entreprendre ou à ajuster l’entreprise, da manière stratégique, dans cet esprit de cohérence.

Les strates managériales sont en charge de traduire et transmettre ce Sens dans l’action, de le communiquer, de l’exprimer dans les différentes modalités de l’action. Communiquer le Sens ne réside pas dans le seul fait de le montrer ou de le représenter ; il convient de le signifier par la démonstration de son engagement dans les situations vécues. Ce sont les « stratégies situationnelles » qui vont permettre de « mettre en scène » la réalité dans le Sens voulu. Ces stratégies situationnelles intègrent les relations, les représentations, les opérations. Ce sont les situations qui communiquent et réalisent le Sens par le caractère stratégique qu’on leur donne en fonction des circonstances.

Il s’agira donc ici de traduire le Sens dans les différents registres, langages et situations de l’entreprise. Il existe aussi des techniques pour cela de façon à ce que tout soit le plus cohérent possible, que tout, en fait concoure à l’entreprise. C’est comme cela que les structures, les rôles, les méthodes, les représentations (projections), la formation, l’organisation, les moyens, etc. seront conçus ou ajustés.

Si ce sont les situations qui incarnent le Sens, le révèlent, le réalisent et le transmettent pour y entraîner d’autres cohérences, alors on peut dire que ces situations sont des « réalités virtuelles ». Si on se réfère aux racines du terme (vir = hommes, vertus = vertu), les situations sont porteuse des Sens humains qu’elles réalisent et révèlent. Cela est indicateur de l’intérêt que l’on peut porter à l’émergence du concept de réalité virtuelle.

On peut s’attendre à ce que la notion de réalités virtuelles prenne une grande place dans le management de l’entreprise cohérente à l’âge du Sens. Les représentations et le langage y ont toujours leur rôle mais un rôle qui peut être enrichi en considérant que c’est la situation qui communique, signifie le Sens. C’est donc par les mises en situation que les dirigeants peuvent développer l’entreprise cohérente et que les managers peuvent y tenir leur vrai rôle.

Pour achever ce tour d’horizon bien sommaire de la façon dont l’entreprise cohérente peut être conduite, nous apporterons quelques exemples au niveau des différentes fonctions ou problématiques d’entreprise.

La manière dont peuvent être abordées différentes fonctions dans l’entreprise cohérente peut être quelquefois signifiée par un « concept structurant » qui donne un Sens particulier à celle-ci. On en examinera quelques exemples :

La notion d’univers de pertinence.

Le marketing implique un lien entre produit et marché et il convient qu’il s’agisse d’un lien de Sens. Le marché étant toujours à considérer comme une communauté humaine ou communauté d’entreprises, il a donc une culture où tout produit doit trouver son Sens.

L’intégration du produit dans la culture du marché suppose une pertinence de Sens. Par là, chaque produit doit aller à la rencontre de « l’univers de pertinence » où il sera recevable et significatif. De même chaque population constitue l’univers de pertinence auquel doit pouvoir s’intégrer le produit.

Ainsi, il y a une unité de Sens à trouver entre l’entreprise et son univers de pertinence dans lequel ses produits et services s’intègrent.

Dès lors, toutes les stratégies marketing seront des stratégies situationnelles destinées à établir les cohérences entreprise – marché avec tous les acteurs intermédiaires concernés.

Le Sens consensuel sera l’axe de cohérence de toute communication, toute distribution, toute commercialisation. Il permet d’un côté de concevoir le produit pertinent ou de l’autre de lui trouver son univers de pertinence.

Cette notion peut être généralisée à toutes sortes de situations dans lesquelles une telle adéquation de Sens est l’enjeu essentiel.

La notion de qualité qualifiante

Si la qualité exprime les valeurs de l’entreprise notamment à travers sa maîtrise et sa compétence, elle vise aussi à être reconnue et appréciée par ceux auxquels elle est destinée. Ainsi, la qualité est-elle « vecteur de Sens ».

Elle qualifie (fait reconnaître et fait progresser) qui la produit (entreprise, personnel, etc.),

Elle qualifie (distingue et fait progresser) qui l’apprécie (clients, utilisateurs, intermédiaires).

A travers cette conception, il est possible de considérer la qualité comme vecteur du bien commun lorsqu’elle est vécue comme qualifiante.

Toute l’approche de la qualité repose évidemment sur ce principe. Ce dernier est à nouveau celui de l’entreprise ou du service, celui des meilleurs potentiels, d’une originalité et d’une progression dans la maîtrise professionnelle et managériale de l’entreprise.

Il y a là une clé, pour asseoir les politiques « qualité » sur la « qualification originale » de l’entreprise, c’est-à-dire son meilleur Sens. Il y a là aussi un axe pour dessiner des marches de progrès aux différents âges ou niveaux de maîtrise de la qualité. Différents outils ou techniques sont disponibles pour procéder aux analyses utiles et concevoir les pratiques et méthodes pertinentes.

Au travers de ces deux exemples sommaires, on aperçoit l’importance du Sens qui fait lien entre les parties prenantes et autour duquel, elles concourent tout en progressant.

D’autres exemples peuvent être cités tel le commerce des valeurs en regard duquel  il s’agit justement de reconnaître les valeurs réciproques pour les réaliser dans un échange fructueux pour les deux parties.

Le concept de macro-pédagogie utilise la notion de stratégie situationnelle pour faire progresser le corps social dans le Sens de l’entreprise, c’est-à-dire en le faisant avancer vers une plus grande maîtrise grâce aux cohérences qui s’y jouent.

La communication, on l’a vu, ne doit pas être réduite au maniement des représentations pour médiatiser le Sens. Les situations étant porteuses de Sens, les stratégies et mises en scènes sont elles mêmes communicantes. Images et langages n’en sont qu’un aspect et les situations elles mêmes sont un langage en tant que réalités virtuelles.

Le changement peut être compris soit comme développement des cohérences dans un Sens déjà établi, soit comme changement de Sens. Dans cet esprit, le discernement des Sens, le choix du meilleur Sens et le déploiement stratégique dans le bon Sens constituent les clés méthodologiques majeures.

L’organisation, l’information, le recrutement, la rémunération, l’évaluation, la gestion, tout peut être reconsidéré dans cette optique aux fins de diriger l’entreprise cohérente. C’est ainsi que l’on réalise l’enrichissement  et la cohérence des conceptions plus « habituelles » !

Ces quelques indications montrent l’implication du processus dans tous les secteurs de l’entreprise induisant, par essence et non seule nécessité, de nouvelles démarches méthodologiques quant à leur management. C’est ainsi que l’efficacité managériale rejoint la poursuite de finalités spécifiquement humaines qui, grâce au Sens et de façon personnalisée, permettront d’en définir la vocation propre.

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