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La structuration du temps dans l’entreprise (Septembre 2014)

La structuration du temps est une théorie de l’Analyse transactionnelle mise en lumière par son fondateur, Éric Berne, dans un ouvrage intitulé : « Que dites-vous après avoir dit bonjour ? ». Le titre même de ce livre situe immédiatement la réflexion de l’auteur, qui a servi de base à sa théorie, à savoir qu’il « plante de le décor » de l’articulation de nos relations sociales.

L’entreprise étant, comme nous l’avons déjà évoqué dans nos précédentes Lettres, un lieu d’échanges et de relations, la manière dont les uns et les autres structurent leur temps (au sens bernien développé ci-après) va y prendre une importance toute particulière.

Le concept de structuration du temps

En préambule, nous devons évoquer ici les trois besoins relationnels mis en avant par Eric Berne :

  • la « soif » de stimulation,
  • la « soif » de reconnaissance,
  • la « soif » de structure.

On peut résumer ainsi ces trois besoins : pour vivre et se développer de manière harmonieuse, l’être humain, dès sa plus tendre enfance, a besoin d’être stimulé, d’être reconnu (voir notre Lettre de mai 2012 traitant des Signes de reconnaissance) et d’avoir une certaine connaissance de la manière dont il va structurer son temps (au moins pour les prochaines 24 heures).

A partir de là, l’on peut distinguer six modes de structuration du temps (toujours dans le contexte de notre relation avec l’autre) :

  • Le retrait : la personne se place dans un isolement physique ou mental : elle ne s’approche pas, ne parle pas, ne regarde pas les autres, elle reste dans « son coin » – ou d’une façon plus inconsciente – elle est dans ses pensées.
  • Le rituel : c’est la façon socialement admise de commencer et de terminer un contact relationnel ; c’est ainsi le « bonjour » et l’ « au revoir ». Ce rituel est programmé par des forces sociales, et varie en fonction des cultures. Mais une particularité persiste : en cas de non-respect du rituel socialement admis, on va provoquer chez l’autre une déstabilisation ou une sorte de gêne.
  • Le passe-temps : comme son nom l’indique, c’est une manière de passer le temps, de discuter avec l’autre dans un échange peu impliquant. La conversation est balisée, elle se fait « toute seule ». Parler de sujets convenus présente l’avantage d’échanger de la reconnaissance avec l’autre tout en maintenant une distance suffisante avec lui. Le passe-temps, outre son côté « facile », a aussi ceci d’intéressant pour la personne qu’il va lui permettre de trouver des partenaires pour des relations plus impliquantes telles que les jeux ou l’intimité (voir plus bas).
  • L’activité : la relation est instaurée afin d’atteindre un but commun. L’objet de l’activité est partagé, orienté vers la réalité extérieure. La conversation, les gestes sont dédiés à cette réalisation.
  • Les jeux : on retrouve ici les séquences relationnelles qu’Éric Berne a appelé les jeux psychologiques (qu’on l’on pourrait nommer « conflit » dans le langage courant). Il s’agit d’un ensemble d’échanges dont l’issue, plutôt négative, provoque un malaise chez les protagonistes. Bien qu’a priori peu agréables, les jeux procurent à la personne une forte dose de signes de reconnaissance négatifs, raison pour laquelle certains s’y engagent volontiers (souvent de façon inconsciente).
  • L’intimité : c’est un moment, bref et peu fréquent, où les interlocuteurs échangent sur ce qu’ils ressentent (de la joie, des sentiments amoureux, de la colère ou de la tristesse), d’une manière authentique, c’est-à-dire sincère et exempte de volonté manipulatoire. Il s’agit là d’une relation de proximité, d’échange mutuel, voire d’amitié sincère.

Ainsi, ces différents modes de structuration du temps aident la personne à nourrir son besoin de reconnaissance, d’une manière graduelle que l’on pourrait schématiser de la façon suivante :

Il faut noter qu’il n’y a pas de mode qui serait meilleur qu’un autre : il est la plupart du temps nécessaire, dans les relations sociales, de « naviguer » d’un mode à l’autre, en passant du retrait ou du rituel à l’activité, ou aux jeux puis revenir vers l’activité…

Un exemple de structuration du temps dans l’entreprise

Il est aisé de transposer la théorie de la structuration du temps dans le contexte de l’entreprise. En effet, tout au long d’une journée de travail, les uns et les autres vont passer d’un mode à l’autre en fonction de la situation, des collègues en présence etc.

Ainsi, imaginons le contexte d’une réunion de travail :

En arrivant, certains se serrent la main : « Bonjour, comment allez-vous ? », « Bien et vous ? »  – Il s’agit là d’un rituel. Celui-ci a son importance : comme on l’a dit plus haut, le non-respect des rituels en vigueur (les codes de l’entreprise) risque de provoquer chez l’autre un certain malaise (« Pour qui il se prend ? »)

Dans le même temps, certains nouveaux membres, inconnus pour un instant encore, préfèrent rester à l’écart et ne se présenter que lors du tour de table – Ils sont momentanément dans le retrait.

En attendant que la réunion commence, d’autres, qui ne se connaissent pas encore beaucoup, discutent entre eux : « Quel beau mois de septembre ! », « C’est vrai qu’après l’été que nous avons eu, il est temps d’avoir un peu de soleil ! » «  Ne m’en parlez pas, mes vacances se sont déroulées sous la pluie ! » – Nous sommes ici typiquement dans le passe-temps, avec une suite d’échanges conventionnels.

Arrivent deux personnes qui, visiblement, se connaissent très bien : elles échangent encore de manière spontanée à propos de la bonne soirée qu’elles ont passée ensemble le week-end dernier – Il s’agit pour elles d’un moment d’intimité – que l’on qualifierait plutôt dans le langage de l’entreprise de proximité –  sincère et authentique.

La réunion démarre et l’ordre du jour est énoncé. Chacun prend la parole à tour de rôle pour faire le point sur l’avancement d’un projet en cours – Nous en sommes à l’activité en tant que telle.

Mais quand on en arrive à l’une des personnes présentes, manifestement peu sûre d’elle, le manager lui pose la question suivante : « Alors, votre présentation est-elle prête ? », « Oui, cela n’a pas été simple, j’y ai passé tout le week-end, mais c’est prêt », « Très bien, mais j’ai réfléchi, finalement vous ne la ferez pas, je crains que cela ne soit encore un peu prématuré » – Il s’agit là typiquement d’un jeu psychologique, riche en signes de reconnaissances négatifs et risquant de laisser à la personne concernée un sentiment désagréable (« C’est toujours pareil ! » ; «  Quoi que je fasse, il m’en veut » ; « Je n’arriverai jamais à avoir ma promotion » ; « Si j’avais su, je serais allé me promener avec mes enfants ! ».

Ainsi, en l’espace de quelques minutes, tous les modes décrits par Berne ont été utilisés par les différents interlocuteurs au cours de cette réunion.

 

Pour conclure, et même si aucune manière de structurer le temps, on l’a vu plus haut, n’est fondamentalement plus intéressante qu’une autre, il est important d’avoir à l’esprit le bénéfice recueilli par l’utilisation de tel ou tel des six modes dans l’entreprise : respecter les rituels et les passe-temps (à condition qu’ils ne prennent pas toute la journée) ; accepter des moments de retrait qui peuvent être utiles à la personne pour se ressourcer ; éviter les jeux (en refusant celui-ci si quelqu’un essaie de nous y attirer, et en n’en provoquant pas soi-même par le biais de remarques négatives du type jugement de valeur) ; mettre en place une confiance réciproque qui permettra des moments de proximité ; et bien sûr, grâce à ces différents types d’échange, entrer de manière efficace dans l’activité.

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