Pour en
savoir
plus...

TITON Consulting contact

Les jeux psychologiques en entreprise (Juin 2019)

Une tension particulière, voire une crise de larmes, des cris… Et s’il s’agissait d’un jeu psychologique qui se déroule sous vos yeux ?
Les situations de crise ont toujours existé, mais c’est Eric Berne, créateur de la théorie de la personnalité, de la communication et des organisations que l’on nomme « Analyse transactionnelle », qui a mis en lumière le caractère à la fois très structuré et profondément inconscient du jeu psychologique. D’après lui, il arrive à chacun d’entre nous d’être pris à son insu dans des jeux psychologiques de plus ou moins grande intensité.
Lorsque ces situations se déroulent dans notre sphère privée, elles peuvent rester plus ou moins confidentielles. Mais que faire lorsque le jeu psychologique se déroule dans l’entreprise, au sein même de l’équipe parfois ?

Afin d’y voir plus clair, nous allons dans ce numéro décrire la notion de jeu psychologique et voir de quelle manière celui-ci peut se mettre en place.
Et le mois prochain, après avoir identifié les profils de personnes particulièrement concernées, nous aborderons les pistes qui permettent de déjouer les jeux, soit en évitant de tomber dans le piège, soit, si l’on s’aperçoit que le jeu a démarré, en en sortant « par le haut ».

Le contexte de mise en place du jeu psychologique

Nous avons à plusieurs reprises, dans nos lettres, affirmé à quel point l’être humain a besoin de signes de reconnaissance (ou « stokes ») – cf. La lettre de Jean-Jacques TITON Consulting de mai 2012 et celle de septembre 2014.

Ce besoin est si fort que si, pour une raison ou une autre, une personne estime – inconsciemment – ne pas recevoir suffisamment de signes de reconnaissance, elle va tenter par tous les moyens de s’en procurer, qu’ils soient de bonne qualité ou non. Ainsi, un jeune enfant peut être amené à chercher des signes de reconnaissance négatifs en faisant des bêtises pour attirer l’attention de ses parents, car tout vaut mieux pour lui que ce qu’il suppose être l’indifférence ; c’est ce que Richard Erskine nomme « l’extorsion » de signes de reconnaissance.

L’extorsion de signes de reconnaissances d’après Richard Erskine

En entreprise, ce type d’extorsion peut s’observer facilement : un collaborateur va, par exemple, intervenir à brûle-pourpoint, répondre à des questions adressées à un autre, gonfler les événements, parler toujours de lui-même, répéter inutilement un récit, …en d’autres termes, se faire « remarquer ».

Poussée à l’extrême, cette extorsion de signes de reconnaissance va amener le collaborateur à quémander – comme le jeune enfant décrit plus haut – des signes de reconnaissance négatifs, plutôt que de ne pas en avoir du tout. Ainsi, il va poser des problèmes ou créer des situations conflictuelles : c’est la porte ouverte à la mise en place d’un « jeu psychologique ».

Qu’est-ce qu’un jeu psychologique ?

Le jeu psychologique répond à un schéma de mise en place bien précis.

Il convient tout d’abord pour le joueur de trouver un partenaire de jeu, c’est-à-dire quelqu’un qui va « mordre à l’hameçon ». En effet, certaines personnes sont plus enclines à jouer à tel ou tel type de jeu, alors que d’autres ne jouent pas du tout ou très peu. Le joueur fait donc des tentatives pour « accrocher » la personne adéquate.

Puis auront lieu une série d’échanges verbaux ou non verbaux qui peuvent durer plus ou moins longtemps (certains jeux durent des années), jusqu’à une issue, plus ou moins violente mais toujours désagréable.

Ce schéma, étape par étape, est détaillé par Eric Berne dans ce qu’il nomme la « formule du jeu ».

La formule du jeu d’après Eric Berne

Les rôles de chacun des partenaires de jeu sont, quant à eux, illustrés par des termes très parlants, selon le positionnement de chacun :

  • La Victime, qui se sent inférieure et va rechercher soit un Persécuteur, soit un Sauveteur ;
  • Le Sauveteur, qui a besoin d’une Victime qu’il percevra comme inférieure et à qui il pourra venir en aide à partir d’une position supérieure ;
  • Le Persécuteur, qui a besoin d’une Victime qu’il puisse agresser, humilier ou rabaisser.

Bien entendu et comme nous l’indiquions plus haut, ces rôles sont tenus de manière inconsciente, et aucune de ces personnes ne perçoit la réalité de son positionnement. Et même si chacun peut tenir à un moment ou un autre l’un de ces rôles, telle ou telle personne aura tendance à s’inscrire plus facilement dans l’un ou l’autre de ces rôles.

Le « coup de théâtre » mentionné dans la formule de jeu est le moment où l’un ou l’autre des intervenants change de rôle de manière rapide ou imprévue. A l’issue de celui-ci, chacun des protagonistes repartira avec un sentiment désagréable – le résultat final négatif – tel que la frustration, la rage, le dégoût, la solitude, l’incompréhension… Avec ce sentiment, le protagoniste renforcera un croyance personnelle négative (« à chaque fois, c’est la même chose, je ne suis pas à la hauteur » ; « mes collègues ne comprendront jamais rien » ; « les patrons sont tous hargneux » …).

Stephen Karpman a eu l’idée d’illustrer ces trois rôles dans un schéma appelé le « triangle dramatique », positionné pointe en bas, donc instable, pour montrer à quel point cette situation peut dégénérer facilement.

Le triangle dramatique d’après Stephen Karpman

Quelques exemples de Jeu en entreprise

Il y a risque de mise en place inconsciente de jeux psychologiques dans un certain nombre de cas. En voici quelques-uns :

  • Le manager « Sauveteur » : il ne délègue pas. Mais un jour, il devient Persécuteur, reprochant à ses collaborateurs de ne pas lui laisser du temps pour ses tâches essentielles…
  • Le manager « Persécuteur » : autocratique, il choisit des collaborateurs « Soumis » dont il pourra faire ses Victimes. Mais un jour, l’un de ses collaborateurs se « rebelle » et persécute à son tour son patron…
  • Le collaborateur « Sauveteur » : il fait en sorte d’être indispensable. Mais un jour, il explose et fait une crise en plein service…

Dans tous ces cas, bien qu’a priori peu agréables, les jeux ont procuré aux protagonistes, comme nous l’avons vu au début de cette lettre, une forte dose de signes de reconnaissance positifs ou négatifs…

Toute personne, qu’elle soit en situation de management ou non, a donc intérêt à savoir identifier les jeux psychologiques, et surtout, à y répondre efficacement lorsqu’ils se produisent. Pour apporter des solutions à cette problématique, nous explorerons, dans notre Lettre du mois prochain, la particularité des personnalités dites « difficiles » – à savoir propices aux jeux – afin de les repérer facilement, et nous décrirons la posture la plus adéquate lorsque l’on détecte la mise en place d’un jeu psychologique.

Ils nous font confiance